lundi 7 février 2011

RENAISSANCE (1400-1600)

On désigne par musique de la Renaissance la musique européenne composée pendant la période de la Renaissance, approximativement entre les années 1400 et 1600. Il s'agit d'une convention : si la dernière date n'est guère contestable eu égard à l'évolution importante du début du xviie siècle, et qui marque le début de la période Baroque, il n'en est pas de même pour le début de cette période. Ces deux siècles se situent clairement, en ce qui concerne la musique, en continuité avec ce que nous appelons le "Moyen-Âge tardif", avant d'acquérir des traits spécifiques.

PRÉMICES À LA RENAISSANCE DU MONDE!

Jusqu'au XVème siècle, la religion chrétienne avait établi une règle à ne pas enfreindre : la musique n'était qu'un moyen de prière. Dès lors, pour sortir de l'emprise de l'Église, les artistes commencèrent à s'opposer à cette contrainte. Ils se firent vraiment entendre à partir du XVIème siècle. En contradiction avec cette musique religieuse, naît la musique profane inspirée des religions païennes qui est très différente de la polyphonie (chant à plusieurs voix). Le chant accompagne la mélodie, qui peu à peu dépassera les limites de la voix. C'est aussi la naissance de l'imprimerie musicale avec les « tablatures » ancêtres de nos partitions. Celle-ci permet alors une meilleure diffusion des oeuvres. 

Les XVème et XVIème siècles voient un renouveau d’intérêt pour les cultures antiques grecques et romaines qui a fortement influencé la musique. Les compositeurs de la Renaissance ont voulu opérer un « retour à l’Antique », imiter la musique des anciens grecs. Comme ils ne disposaient que d’écrits théoriques sur la musique grecque, ils ont élaboré leur propre style en se basant sur ces écrits. 


LES VILLES ET LEUR “ART NOUVEAU”

Durant l’Antiquité, les villes furent les centres spirituels et politiques du monde, atteignant leur apogée intellectuelle à Athènes, et la gloire politique, à Rome.

Au temps des grandes migrations et lors de la chute de l’Empire Romain, ces villes ont disparu, pillées, brûlées, démantelées et abandonnées. Au moyen-âge, les couvents, les cours princières et les châteaux forts prirent la direction tant spirituelle que politique.

Au pied du château, sous la protection d’un puissant chevalier, paysans et artisans s’étaient établis. Leurs maisons devinrent de plus en plus nombreuses et les habitants prirent conscience de leur force par le nombre.
Cependant, les villes ressuscitaient. Un beau jour les rôles se trouvèrent changés : à leur tour, les villes s’entouraient de murailles fortifiées et les chevaliers, que leurs querelles intestines avaient affaiblis et appauvris, venaient demander abri.

La ville donc s’accrut ; et alors, les château perdirent de leur importance. Les nouveau citoyens des villes et des bourgs, se sentant en sûreté, se donnaient alors le surnom de « bourgeois ».

Devenus fiers et exigeante, cette nouvelle société allait se devoir d’être à la hauteur de ses choix. Ayant fait opéré des changements dans la structure de ses sociétés, elle se devait alors d’être capable d’opérer aussi des changement au niveau des mentalités et des mœurs…

Les cités transformèrent l’aspect des pays… Un esprit nouveau soufflait sur l’Europe, chargée de puissance collective consciente… Consciente des changement en cours… Chargée aussi d’une nouvelle joie de vivre. Celui qui cherche l’expression plastique de cette époque la trouvera dans les chefs-d’œuvre de l’architecture, ces cathédrales, ces palais, ces portails et ces fontaines…

Le bourgeois, une fois ses exigences matérielles satisfaites, rêvait d’œuvres grandioses, chargées de projeter la gloire à travers l’espace et le temps. Il inventa, entre autre, l’imprimerie, fréta des navires et entretint ainsi des relations commerciales avec des continents lointains, dont certains venaient seulement d’être découverts. La puissance du bourgeois reposait à la fois sur l’esprit et sur l’argent. Posséder beaucoup d’argent, pour ainsi dire, nous rapprochait alors de la noblesse.
Subséquemment, les arts se développèrent et s’épanouirent comme il n’avaient pu le faire depuis longtemps. Non seulement les conditions matérielles permettaient ct essors, mais une nouvelle frénésie de grandeur animait ces fiers citoyens.

Il est manifeste que l’homme doit avoir changé sous l’influence d’une transformation aussi radicale de sa société. Nous avons déjà fait allusion à une nouvelle joie de vivre, assez timide au début, mais où l’on peut discerner le principe de la satisfaction sur terre de certains désirs. Le chant grégorien, qui avait si fidèlement reproduit l’idéal monastique des temps passés, se retira toujours davantage dans les couvents où cet idéal allait être conservé pour tout les temps, en dehors du temps…

La nouvelle musique des cités bourgeoises était encore plus affirmative des joies d’ici-bas que celle des ménestrels. Néanmoins, leurs thèmes sont souvent religieux, car l’homme ne cessera jamais de croire en Dieu, même quand sa vie sur terre sera devenue meilleure, plus sûre, plus heureuse.

Le côté technique de la musique subit une transformation marquée dont la cause n’a jamais été précisée. Nous entendons parler du chant à plusieurs parties, en un mot, de la « polyphonie ». 

Il va de soi que cette polyphonie n’a pas pu faire son apparition du jour au lendemain. Examinons donc brièvement sa préhistoire...

NAISSANCE DE LA POLYPHONIE

Au début, l’humanité n’a connu que l’unisson vocal et instrumental. Dans un traité, un moine de Saint-Amand, nommé Hucbald (840-930) fait mention d’une polyphonie, qu’il nomme « diaphonie » et dont il fournit des exemples. Il expose un chant où deux voix superposées chantent à intervalles de quintes, c’est-à-dire, exactement ce qui semblera aux générations des siècles suivant la pire des démonstration de dissonances. Mais laissons hors jeu la discussion de l’importance très relative de la consonance ou de la dissonance, fort peu importante, en vérité, puisqu’elle ne dépendent que du temps et des lieux. Considérons plutôt le développement ultérieur du problème polyphonique.

Déjà d’autres théoriciens s’en sont emparés, entre autre, Gui d’Arezzo, cité précédemment, et après lui Hans Cotton (1050-1130) qui fournit l’explication suivante : « La diaphonie est la relation entre des sons différents exécutés par deux chanteurs au moins, dont le premier entonne la mélodie principale, tandis que le second l’entoure d’autres notes. Les deux voix se rejoignent à chaque fin de phrase, soit à l’unisson, soit à l’octave l’un de l’autre. Cette façon de chanter s’appelle communément "organum" ».

Voilà qui démontre que le chant à plusieurs parties ne devait pas être très répandu à l’époque (mais déjà connu), car, sinon, ces précisions de sa part eussent été inutile.

Comme pour tant d’autres formes musicales, les origines de la polyphonie plongent dans l’inconnu. Pourquoi vit-elle le jour? Pourquoi à ce moment de l’histoire? Pourquoi a-t-elle acquis et conquis d’emblée cette suprématie? Essayons de trouver une réponse à cette question :

La vie primitive a produit un art primitif ; la vie simple, proche de la nature, un art tout aussi naturel… La vie mystique éveille la musique mystique ; la vie religieuse appelle un art religieux ; la féodalité demanda une musique chevaleresque…

Le plain-chant grégorien devait engendrer la monodie, c’est-à-dire le chant à une seule voix, car il répondait à un même idéal collectif, s’exprimant exactement de la même manière pour tous. 

Or, dans les cité nouvelle, la vie se complique, nous ne le savons que trop, nous qui en subissons le contrecoup dans les métropoles modernes.

Ce ne sont pas seulement les exigences toujours plus croissantes, les distances toujours plus grandes, la multiciplités des relations entre les habitants, mais aussi l’individualisme accru, la spécialisation intensifiée, et enfin la nervosité toujours apparente.

Évidemment, ici nous ne visons pas à faire étude de psychologie, nous nous bornerons à une explication du développement musical de l’époque de la gloire des villes. Et, dans cette gloire, nous pourrions bien puiser la solution du problème de la naissance de la polyphonie.

Lorsque, le soir venu, les bourgeois se retrouvaient après avoir exercé chacun leur métier déjà nettement défini ; la musique fera partie de leur passe-temps et distraction. Veuillez noter que j’emploie à dessin les mots « passe-temps » et « distraction », alors qu’à une époque encore relativement récente, la musique n’avait été qu’une audition édifiante.

Mais à présent que la ville prospère, il ne s’agit plus du récit d’actions héroïques, chantées par un seul chanteur-conteur s’accompagnant de la lyre, pendant que les autres l’écoutent, haletants : non, parmi ces bourgeois assemblés, celui qui aurait voyagé ou vécu plus d’aventures que les autres formera dorénavant l’exception. C’est pourquoi aucun d’eux ne désire être inférieur à ses congénères. Si ces bourgeois avaient chanté à l’unisson comme les moines psalmodiaient le plain-chant, leur soif d’individualisme n’eût guère trouvé d’apaisement.

Il se peut que les bases techniques du chant à plusieurs parties fussent déjà posées, mais l’heure psychologique n’avait pas encore sonnée. La société bourgeoise, pourtant, devait logiquement, fatalement, en arriver à la musique polyphonique…

Nous rencontrons celle-ci d’abord à Paris, où, sous le nom d’« ars nova », elle forgeait ses premières armes. Citons ici deux musiciens de valeur : Léonin et Pérotin (ou, magister Perotinus magnus, maître de chapelle à Notre-Dame de Paris, au XIIème siècle).

Tous deux furent des pionniers du contrepoint. Des chants à plusieurs voix, appelés « motets », apparaissent et la mode en vient aussi à chanter des « canons », ces précurseurs de la « fugues », forme sublimée de la polyphonie.

Ce n’est pas en vain qu’on a comparé le style architectural de l’époque à l’« ars nova ». L’incomparable cathédrale de Notre-Dame, sur les bords de la Seine, en est le meilleur exemple : la solution des masses compactes en rythmes mouvementés, l’élargissement quasi mystique de l’espèce, la profusion des ornements, le raffinement du détail se retrouvent aussi bien dans l’architecture gothique que dans la musique de la même époque. Ce sont, en effet, ces splendides édifices religieux qui nous guident à travers la musique du même temps, pour nous mener ensuite jusqu’à la grandeur flamboyante de la Renaissance italienne !

Un jour, Winston Churchill exprimera cette pensée d’un grande sagesse : « L’homme construit des bâtiments, mais ensuite les bâtiments construisent les hommes… »

Les centres de la nouvelle musique se situent logiquement là où se réunissent les courants spirituels et politiques du temps ; fait qu’il nous arrivera souvent de relever.

Après avoir débuter à Paris, la polyphonie s’est déplacée vers les Flandres, où, à travers plusieurs générations, le point cardinal des événements musicaux se concentrera pour rayonner sur toute l’Europe.

Les maîtres flamands seront, en ces temps là, les protagonistes de l’art pictural. Si le siège principal de la musique des Pays-Bas se trouve à Cambrai, ses représentants brilleront aux cours de Munich et d’Innsbruck, à Paris, en Italie et en Espagne, où la musique nouvelle ornera l’époque de la plus positiviste des politiques et maintiendra une floraison inégalée pendant plusieurs siècles. La suprématie de la musique flamande n’est comparable qu’à l’hégémonie absolue de l’opéra italien qui exercera, deux cents ans plus tard, son autorité sur le monde entier.

Citons ici les grands maîtres de l’école flamande. Ces personnalités peuvent avoir joui d’un prestige comparable à celui d’un Bach ou d’un Beethoven. Entre autre : Guillaume Dufay (1400-1474), Jan Okeghem (1430-1495), Josquin des Prés (1450-1521), Adriaan Willaert (1480-1562), Jan Pieter-Sweelinck (1562-1621) et surtout Orlando de Lassus (1532-1594).

La polyphonie s’était, en peu de temps, développée à un tel point, qu’elle ne pouvait plus demeurer entre les mains des profanes… Ce qui, au début, avait servi de passe-temps aux bourgeois, était devenu la plus élevée et la plus compliquée des formes musicales. Cependant, l’enthousiasme du peuple avait été réveillé.

Il nous faut, une fois de plus, citer ici Richard Wagner, qui brossera un tableau évocateur de cette bourgeoisie musicienne dans ses « Maîtres-Chanteurs de Nurembourg ».

Ces bourgeois remplissent des professions diverses ; notaires, tailleurs, boulangers ou cordonniers… La plupart vouent leurs soirées à une des formes d’art, toutes formes de divertissements et à la musique ; qu’ils servent avec humilité et ambition, créant ainsi le tyope de dilettante si décrié de nos jours.

Les maîtres-chanteurs fondèrent de véritables écoles de musique établissant des règles sévères qui régissaient à la fois le texte et la mélodie, voire l’exécution.

L’ensemble de ces règles était fixé par la « tablature » sorte de résumé de la corporation des maîtres-chanteurs. De ce mouvement se dégage une figure historique, celle de Hans Sachs, le cordonnier-poète de Nuremberg, président des maîtres-chanteurs de sa ville, en 1554.
Hans Sachs 

À cette époque, l’institution des "Meistersinger" était vieille de trois cents ans ; elle avait pris naissance dans la ville de Mayence et l’on n peut assez louer et remercier ces bourgeois d,avoir aimé et servi à ce point la musique, en dépit de leur pédanterie naïve et de leurs formules d’une rigidité conventionnelle, malgré le distance qui séparera toujours leurs divertissements d’amateurs des chefs-d’œuvre des véritables maîtres de la polyphonie.

En même temps que l’essor des villes, la situation sociale des musiciens ambulants s’était améliorée. Pendant plusieurs siècles, ces ménétriers avaient appartenu, avec les vagabonds, les mendiants, les jongleurs, saltimbanques et montreurs d’ours aux classes les plus humbles. Ils se produisaient dans les fêtes paysannes où se joignaient, le cas échéant, à un corps d’armée...

Mais les villes commençaient à organiser des bals, ou bien quelque riche roturier faisait appel à leurs services pour porter sérénade sous les fenêtres de sa belle…

Les chroniques nous fournissaient maints détails curieux, traitant de "fléau public" ces musiciens ambulants qui avaient coutume d’assiéger les demeures du bourgmestre et des échevins jusqu’à ce que ceux-ci leur concédassent le logis et la nourriture.

Bientôt, ils exigèrent d’être payés. Le corps administratif décida alors de les engager définitivement, ce qui revenait moins cher. Les musiciens – flûtistes, trompettistes, chanteurs, organistes, guitaristes, harpistes, violoneux, altistes, cornemuseurs, trombonistes, timbaliers et tambours – s’associèrent.

À Venise, en 1288, fut constituée la confrèrerie de Saint-Nicolas ; elle vécut cinq cents ans et compta parmi ses chefs des membres intéressants, portant le titre de "Apielgraf".

En France, ce fut en 1330, la Ménestrandie, qui décernait des patentes à ses membres ; en 1381, les "Minstrels" anglais fondèrent une corporation.

En Suisse, dans la ville de Zurich, un décret d’allure fort moderne stipula que seuls les musiciens organisés en corporation pouvaient se produire en public. Bâle interdit en 1397 aux musiciens de porter l’épée et la lance, et cette ordonnance visait manifestement les derniers troubadours… sic transit gloria mundi!

La position sociale de ces compositeurs reconnus atteignit alors un niveau sans précédent. Amis et familiers de princes et des grands, ils jouissaient d’honneurs et de privilèges, et leur revenus matériels étaient considérables. Déjà, nous approchons de la « Renaissance », avec son épanouissement illimité dans tous les domaines des arts!

AU DEVANT DU MONDE MODERNE

Dans les riches et puissantes villes des Pays-Bas, le style polyphonique avait atteint la prédominance et s’emparait de toutes les formes musicales.

Même si aux environs de 1220, un canon à plusieurs voix avait été noté en Angleterre. Nous pouvons considérer comme premier document de la grande fore à parties multiples la "Messe de Tournai", pour trois voix, écrite en 1350.

La Messe de Guillaume de Machaut, de 1394, destinée au couronnement de Charles V, roi de France, est à quatre voix.

À partir de ce moment, le style devint toujours plus libre et compliqué. Le sens de l’harmonie tel que nous l’entendons, par juxtaposition de sons, était encore inconnu, car la polyphonie continuait à progresser par phrases horizontales, superposées, se déroulant en lige parallèles, selon les règles sévères du contrepoint.

De nos jours, en écoutant ces œuvres, nous éprouvons l’impression de voir une fresque grandiose s’étaler sous nos yeux émerveillés.
Nous avons déjà dit que les maîtres flamands dominaient la vie musicale de l’époque…

Heinrich Isaac (1450-1517) vivait en Autriche, premier compositeur de Lieds, donc est, de ce fait le lointain précurseur de Schubert! On lui doit une mélodie, ou, du moins, une phrase mélodique célèbre : le fameux "Innsbruck, ich muss Dich lassen".

Rolland de Lassus, né à Mos en 1530, occupait à la cour de Munich une place d’honneur, d’où son influence rayonnait vers l’extérieur.
Rolland de Lassus
La réalisation la plus significative de l’école flamande fut sa pénétration en Italie. Les villes ambitieuses de la péninsule devenaient de jour en jour plus peuplées et plus puissantes. Le commerce de l’Orient, le contact avec d’autres peuples, d’autres cultures, un climat favorable, une histoire séculaire, tout contribuait à leur faire jouer un rôle d’avant-plan dans le développement culturel de l’Europe.

Vers la fin du XIVème siècle, Venise comptait deux mille habitants. Depuis la chute de Rome, aucune ville n’avait atteint pareilles proportions.

Le centre musical vénitien, la belle église de Saint-Marc, fier témoin de la civilisation byzantine, s’enorgueillissait de grandes orgues que faisaient chanter les musiciens les plus célèbres, qui tous avaient adoptés le nouveau style polyphonique, venu du nord.

Afin de faciliter l’exécution de ces œuvres qui nécessitaient la séparations des groupes instrumentaux et vocaux, on construisit en 1490 un second orgue ; ainsi chacune des deux nefs principales disposait du sien, en plus de sa chorale accompagnée d’un orchestre. Cette combinaison devait produire des effets prodigieux.

Bientôt les maîtres flamands passèrent les Alpes à la suite de leur enseignement. Adriaan Willaert obtint en 1527, le poste d’organite de Saint-Marc da Venise. Son influence sur toute l’Italie ne peut être assez soulignée et estimée.
Adriaan Willaert
Une dernière fois, l’Église s’élevait au maximum de la puissance artistique. À Rome, les papes se firent mécènes, attirant dans la Ville Éternelle des peintres, des sculpteurs, des poètes et des musiciens, de tous les horizons.

Beaucoup de ces derniers, disciple de Willaert, arrivèrent de Venise, tels ces deux Gabrieli, l’oncle et le neveu, et cet admirable Frescobaldi, l’un des plus fameux organiste de tous les temps!

Alors Rome donna au monde le plus important compositeur de l’époque, dont l’œuvre résumait une dernière fois toute l’élévation de la musique médiévale : Giovanni Pierluigi, appelé « Palestrina* », d’après son lieu d’origine.

Palestrina 
La vie de Palestrina est tissé de légendes. Sa naissance semble dater de 1525, quoique les textes diffèrent à ce sujet ; il est certain qu’il mourut le 2 février 1594. Une des discussions les plus décisives concernant la musique d’église eut lieu en son temps, au cours du « Concile de Trente ».

Les légendes palestriniennes se rattachent à ce concile, qui s’occupa pendant plusieurs sessions (entre 1545-1563) du rôle de la musique dans la liturgie, où s’étaient infiltrés tant d’airs profanes et de morceaux de virtuosité, accusés de détourner l’attention des fidèles. Un groupe de cardinaux aurait exigé leur exclusion, d’autres voulaient au contraire, promouvoir une œuvre commandée à un compositeur qui se trouva être Palestrina. D’après la légende, des anges seraient descendus du ciel, dans le silence de la nuit, jusqu’à la pauvre chambrette situé non loin de la coupole de Saint-Pierre, afin de chanter au musicien une messe à plusieurs voix que sa main tremblante d’émotion, n’avait plus qu’à noter.

Quoiqu’il en soit, ce chef-d’œuvre qu Palestrina nomma, en l’honneur de son bienfaiteur : « Missa Papae Marcelli » nous est parvenu. L’impression produite fut si profonde et d’un effet si durable que les attaques visant l’abus de la musique profane à l’église, prirent fin.

Palestrina avait commencé sa carrière de musicien d’église dans sa ville natale ; appelé à Rome, il assuma en 1551 la direction du chœur d’enfants de la Chapelle de la basilique de Saint-Pierre.

En 1554, il dédia au pape Jules III son premier recueil de messes et fut nommé à la chapelle Sixtine, dont il continua la direction pendant le court règne de Marcel II, jadis l’un des premier critiques de la décadence musicale de l’office religieux.

En 1555, le nouveau pape Paul IV révoqua plusieurs musiciens, dont Palestrina, sous prétexte que l’exercice de leurs fonctions était incompatible avec leur état matrimonial. Ce coup ne fut nullement adouci par la nomination de Pierluigi à la place d’organiste de Saint-Jean de Latran, et plus tard à la basilique de Sainte-Marie-Majeure. La renommée de Palestrina en tant que compositeur allait croissant et lui valut la nomination de « compositeur de la chapelle du Vatican » que lui conféra Pie IV. Finalement, en 1571, il revint à son ancien poste à Saint-Pierre, où il fut inhumé, devant l’autel, en 1594.

L’œuvre de Palestrina* n’est pas seulement l’un des plus pur joyaux de la musique religieuse, mais fait partie du patrimoine artistique de l’humanité. (*voir la section réservé à Palestrina au libellé du même nom).

La polyphonie avait atteint son sommet, et comme toujours en pareil cas, le déclin était proche. Seules des mains comme celles de Palestrina pouvaient prolonger son existence, pendant que la plupart de ses contemporains ne produisaient plus que des œuvres théoriques, mortes sur le papier.

Les procédés techniques pullulaient. Sur la partition elles avaient belle allure, ces messes au goût du jour, avec leurs vingt ou trente voix différentes, mais à l’exécution, elles s’avéraient manquer de vitalité et d’inspiration, et leur inerte sécheresse égalait celle d’une table de logarithme.

Dans certaines de ces oeuvres, qui comportaient plus de quatre-vingt-dix voix, le compositeur s’était livré à toutes sortes d’acrobaties : thèmes reflétés dans un miroir, ou "à l’écrevisse", c’est à dire renversé, ou bien commençant par la dernière note pour finir sur la première. Ces trouvailles se chiffrent par centaines…

Ainsi la polyphonie dégénérait en élucubrations abstraites et cette musique n’était plus à la portée de la masse… Au changement du siècle, la fin était proche et la réaction se faisait sentir, comme chaque fois qu’un système est arrivé à son point culminant. La victoire revint au système diamétralement opposé.

Nous nous trouvons ici à l’un des tournants décisifs de l’évolution et de l’histoire de la musique. Il était logique que ce tournant coïncidât avec une page importante de l’Histoire.

Un esprit nouveau s’éveillait en Europe ; l’humanisme faisait son entrée dans les universités et l’empire Byzantin tomba lorsqu’en 1453, les Turcs conquirent Constantinople. Ainsi disparut l’ultime témoin, l’héritier direct du monde hellénique.

Simultanément, le désir se fit sentir en Europe de mieux connaître le reste du monde et d’imiter, dans la mesure du possible, ce qui s’y faisait.

L’ère moderne commence incontestablement en1492. cette année là, Christophe Colomb élargit l’univers d’une façon inattendue et enivrante. La même année vit la mort de Laurent de Médicis, le glorieux tyran de Florence.

Rodrigue Borgia, sous le nom d’Alexandre VI, devint le plus mondain de tous les papes, l’ami des artistes et le protecteur des arts.

L’esprit de la « rénovation » soufflait sur toutes les villes d’Italie, véritable résurrection qui explique le terme utilisé de « Renaissance », attribué à cette époque de l’Histoire.

La musique réactionnaire triomphait à Venise, à Rome, à Milan, et surtout à Florence. La rigidité contrapontale cédait devant l’harmonie nouvelle sur laquelle planait une mélodie, simple et chantante. N’est-il pas frappant de constater que le contrepoint est issu des âpres froids du nord, alors que l’harmonie vit le jour sous le doux soleil du midi italien?

Les nouvelles mélodies étaient apparentées aux chants des troubadours. Construites sur une base nettement folklorique, elles furent bientôt accompagnées, car tout le monde jouait d’un instrument quelconque, que ce fût du luth, du clacicembo, ou d’une de ces merveilleuses violes, aïeules de nos instruments à archets modernes. 

Pendant que, dans les églises, on s’évertuait à sauvegarder la domination du motet polyphonique, dans les palais et les demeures des riches marchants, on chantait le nouveau "madrigal", appelé, par la suite, "sonetta" ou "canzonetta" en Italie; "chanson" en France ; et "lied" en Allemagne.

En même temps, naquit l’une des formes les plus nobles, celle de la « musique de chambre », qui allait inspirer aux plus grands d’entre les maîtres des œuvres capitales.

Nombreux sont les fleurons de la couronne de l’illustre Florence qui, berceau de la Renaissance, fut le patrie de Dante, de Pétraque et Boccace ; des peintres comme Paolo Ucello et Sandro Botticelli ; et de Brunelleschi, l’architecte de la célèbre coupole de la cathédrale.

Florence apporta au monde du XVIème siècle un triple cadeau d’une valeur inestimable : Léonard de Vinci, Raphaël et Michel-Ange. En Outre, la capitale de la Toscane vit éclore la forme musicale la plus capable d’émouvoir l’âme des masses : « l’Opéra ». (voir notre section au sujet de « la naissance de l’opéra » au libellé du même nom).

Période transitoire où l’ancien et le moderne se côtoyaient : l’évolution future ne s’en dégageait pas moins avec netteté. La musique n’était plus esclave d’un idéal, elle s’élevait au rand d’art pur. L’individualisme et le nationalisme se développaient en son sein ; déjà l’art religieux et l’art profane se séparaient. Ce dernier conquit une place d’avant-plan dans la vie artistique, détrônant les arts plastiques, jadis seuls à refléter fidèlement l’esprit et la mentalité d’une époque. Une scission s’opéra entre la musique vocale et la musique instrumentale, bien qu’il subsistât encore des genres où toutes deux collaboraient. La musique des peuples se nationalisa et, dès ce moment, on peut enfin parler de musique « italienne », « française », « allemande »… dont les caractéristiques s’affirmeront avec le temps, avant de se confondre, ce qui aura lieu beaucoup plus tard.

L’invention géniale du Gutenberg eut une influence prodigieuse sur le développement musical. Aux environs de l’an 1500, Petrucci imprima pour la première fois des notes de musique. Des œuvre, jusqu’alors réservées à un cercle restreint, contrait de se servir de manuscrits fourmillant d’erreurs, pouvaient désormais être exécutées simultanément aux quatre coins de la terre.
Aucune date n’égalera celle-ci en importance, sauf, sans doute, celle de l’invention de la radio au XXème siècle!

Si nous voulons citer des noms de musiciens de cette époque transitoire, parmi les plus marquant, il faudrait d’abord se tourner vers l’Angleterre, qui connaissait l’âge d’or de sa création artistique. Le 16ème siècle, fut la gloire du règne élisabéthain et vit naître les compositeurs suivant : William Byrd (1543-1623), Thomas Morley (1557-1603), John Dowland (1563-1626), John Bull (1563-1628), et Orlando Gibbons (1583-1625). Ils furent les contemporains de ces comédies et drames shakespeariens où abondent les louanges de la musique.

L’Espagne, quant à elle, traversait aussi une ère de prospérité. Aux côté du grand poète Cervantes, brillaient des musiciens au talent exceptionnel, tel ce Tomas Luis de Victoria ou Tomaso Luigi da Vittoria (1514-1611) qui fut en Italie le condisciple de Palestrina et l’aveugle Antonio de Cabezon (1510-1566), organiste et claveciniste à la cour de Charles-Quint et de Philippe II. Il fut avec le Bach du XVIème siècle, fort injustement tombé dans l’oubli…

En France, Claudin LeJeune (1530-1564) composa le « Dodecacorde », quarante psaumes de David traduit en français par Clément Marot, et le « Printemps », important recueil de chansons métriques, ce qui inspira au musicien de curieuse trouvailles rythmiques.

Nous voici au seuil du classicisme. Désormais nous n’aurons plus à nous laisser guider par des données hypothétiques ou des documents extra-musicaux. Ce qui va suivre, fera partie du répertoire musical actuel. Il ne nous manque plus que d’assister à la « naissance de l’Opéra », aux excentricités fructueuses des périodes baroques et rococo, et se réjouir de l’enfantement miraculeux de la musique Classique!

À SUIVRE …Voir les libellés :
- NAISSANCE DE L’OPÉRA
- BAROQUE (1600-1750)
- ROCOCO (1700-1775)
- CLASSIQUE (1750-1825)

LES GENRES SPÉCIFIQUES À LA RENAISSANCE
- Musique du Siècle d'Or espagnol
- École franco-allemande
- Chanson polyphonique
- Chanson pour Luth
- Motet
-  La Messe
- La Canzone
- La Cantate
- Le Madrigal

LES COMPOSITEURS DE LA PÉRIODE DE LA RENAISSANCE
Thoinot Arbeau (1520-1595)
Jacques Arcadelt (v.1504-1568) 
Pierre Attaingnant (v.1494-v.1551) 
John Bull (v.1562-1628) 
William Byrd (v.1543-1623) 
Antonio de Cabezón (1510-1566) 
Eustache du Caurroy (1549-1609) 
Jacob Clemens non Papa (v.1510-v.1555) 
Loyset Compère (v.1445-1518) 
Josquin Des Prés (v.1440-1521) 
John Dowland (1563-1626) 
Juan del Encina (1469-v.1533) 
Pedro de Escobar (v.1465-ap.1535) 
Guillaume Dufay (v.1400-1474) 
Giles Farnaby (1560-1640) 
Heinrich Finck (1444-1527) 
Andrea Gabrieli (v.1510-1586) 
Claude Gervaise (fl. 1550) 
Nicolas Gombert (v.1495-v.1560) 
Francisco Guerrero (1528-1599) 
Paul Hofhaimer (1459-1537) 
Heinrich Isaac (1450-1517) 
Clément Janequin (v.1485-1558) 
Roland de Lassus (ou Orlando di Lassus) (1532-1594) 
Alonso Lobo (1555-1617) 
Claudio Merulo (1533-1604) 
Luis de Milán (v.1500-1561) 
Cristóbal de Morales (v.1500-1553) 
Thomas Morley (v.1557-1602) 
Alonso Mudarra (v.1510-1580) 
Luys de Narváez (v.1500-1555) 
Johannes Ockeghem (v.1410-1497) 
Diego Ortiz (v.1510-ap.1570) 
Francisco de Peñalosa (v.1470-1528) 
Peter Philips (v.1560-1628) 
Arnolt Schlick (1460-1521) 
Thomas Stoltzer (v.1470-1526) 
Tielman Susato (v.1510/15-v.1570) 
Thomas Tallis (1505-1585) 
Antonio Valente (v.1520-v.1580) 
Luis Venegas de Henestrosa (v.1510-v.1577) 
Tomás Luis de Victoria (v.1548-1611) 
Adriaan Willaert (1490-1562)

Clément Janequin (1485-1558),  un musicien représentatif de la Renaissance Française :

Maître de la "chanson parisienne", Janequin passe les 25 premières années de sa vie dans le Bordelais. En 1549, il s'installe à Paris et devient chantre ordinaire du roi. A l'âge de soixante-dix ans, il décide de devenir étudiant et entre à l'Université de Paris. Ses fonctions à la chapelle royale assurent son existence mais ne l'empêcheront pas de mourir dans la pauvreté.

Clément Janequin apparaît comme le maître de la chanson polyphonique du XVIe siècle, surtout dans le domaine de la musique profane. Son nom reste attaché aux Amours de Ronsard, à quelques poèmes de François Ier qu'il illustre musicalement, et à ceux également de Clément Marot.

La partie la plus originale et la plus célèbre de son œuvre est la chanson descriptive. Ce sont de grandes chansons ponctuées d'interjections, de cris, de paroles et d'onomatopées qu'on peut considérer comme les ancêtres de « la musique à programme ». Parmi celles-ci, on peut citer :

Le Chant des oiseaux, La Guerre (la bataille de Marignan), un texte truffé d'onomatopées qui ressemble à du Henri Michaux, La Chasse (« Gentils veneurs », retraçant les péripéties d'une chasse de François Ier en forêt de Fontainebleau) ; Les Cris de Paris (ceux des marchands ambulants), Le Caquet des femmes...

Ces oeuvres lui valurent une renommée européenne, alors que la France ne l'avait pas encore reconnu à sa mort. Hommage du poète Antoine le Baif à Janequin :

" ... Soit que représenter le vacarme il ose,
Soit qu'il joue en ses chants le caquet féminin,
Soit que des oisillons les voix il représente,
L'excellent Janequin, en tout cela qu'il chante
N'a rien qui soit mortel, mais il est tout divin. "

extrait de "La Guerre", baptisée également "La Bataille de Marignan"

"France courage, courage
Donnez des horions
Chipe, chope, torche, lorgne
Pa ti pa toc tricque, trac zin zin
Tue ! à mort ; serre
Courage prenez frapez, tuez.
Gentilz gallans, soyez vaillans
Frapez dessus, ruez dessus
Fers émoluz, chiques dessus, alarme, alarme !
Courage prenez après suyvez, frapez, ruez
Ils sont confuz, ils sont perduz
Ils monstrent les talons.
Escampe toute frelore la tintelore
Ilz sont deffaictz
Victoire au noble roy Francoys
Escampe toute frelore bigot."


SUGGESTIONS D’ŒUVRES DE LA RENAISSANCE, À ÉCOUTER :

Début Renaissance :
Dufay, Guillaume : Messe : "Se la face ay pale"
Isaac, Heinrich : "Music for the Court of Lorenzo de Medici" ;  "The Magnificent"
Josquin des Prés : "Missa Pange lingua"
Obrecht, Jacob : Les Messes : "Sub tuum praesidium" et "Fortuna desperata"

Fin Renaissance : 
Byrd, William : "Messe à Quatre Voix" et "Messe à Cinq Voix"
Gibbons, Orlando : "First Short Service"
Lassus, Orlandus : Les Messes : "Puisque j’ai perdu" et "In Die Tribulationis"
Palestrina, Giovanni Pierluigi da : "Missa Papae Marcelli"
Sweelinck, Jan Pieterzoon : "Psaumes de David"
Tallis, Thomas : "Les Lamentations de Jérémie"
Victoria, Tomas Luis de : "Missa pro Defunctis"

À SUIVRE …Voir les libellés : 

- NAISSANCE DE L’OPÉRA 
- BAROQUE (1600-1750) 
- ROCOCO (1700-1775) 
- CLASSIQUE (1750-1825)

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