jeudi 27 janvier 2011

Adam de la Halle (1240-1287)

Arras, vers 1240 / Naples (?), vers 1285.1288, d'après son neveu Jean Madot, dans une copie du Roman de Troie, et d'après le Jeu du Pèlerin. (Pour F. Gégou : 1306. Il aurait alors assisté à l'adoubement du prince Édouard d'Angleterre cette même année. Hypothèse décriée.

Autres appellations : Adam le Bossu, le Bossu d'Arras. Était-il véritablement bossu ? En tout cas il le nie lui-même : "On m'apele Bochu, mais je ne le suie mie...". La plupart des critiques pensent que Bochu est un surnom donné à Adam, d'autres que son père Henri s'appelait véritablement Le Bossu, et fut surnomméde La Halle ou simplement Maître Adam.

Fils d'un Maître Henri le Bossu, il est employé l'échevinage d'Arras. Il aurait étudié à l'abbaye cistercienne de Vauchelles.
Il devient assez jeune un des trouvères les plus appréciés d'Arras et semble avoir été partenaire de Jehan Bretel († 1272) qui le tenait en haute estime.
En 1272, tournant définitivement le dos à une carrière ecclésiastique, il épouse une nommée Marie et s'installe à Douai en raison de difficultés avec la trésorerie d'Arras.

En 1274 il est de retour à Arras et crée Le Jeu de la feuillée. Désirant poursuivre ses études il obtient une bourse pour étudier à Paris...

Après des études à l'université de Paris, où il obtint le titre de Maître ès arts, il rentre au service du comte Robert d'Artois (1271), qu'il suit bientôt dans ses voyages en Italie. Il y entre au service de Charles d'Anjou, roi de Sicile (1283) ; c'est à la cour de celui-ci que sera créée son oeuvre la plus célèbre, le "Jeu de Robin" et Marion, exemple unique, avec un autre drame, le "Jeu de la feuillée" (v. 1276), d'un théâtre lyrique profane, genre en fait plus proche du théâtre parlé, avec quelques intermèdes musicaux (basés sur la pastourelle à refrain), mais dont la nouveauté vient de ce que la musique fait partie intégrante de l'intrigue.
"Le Jeu de la Feuillée" met en scène Adam, le poète, vêtu en clerc, sa famille, ses voisins, et trois fées. Adam veut prendre congé pour aller faire ses études à Paris, mais se laisse entraîner à la taverne. Adam de la Halle mêle dans cette pièce le motif merveilleux du repas de fées, invitées sous la feuillée par les chrétiens, et le thème du congé, qui est traité sur un ton grinçant, dans un style vif et familier. Ce jeu riche et polysémique (la feuillée est à la fois la loge de verdure de la statue de la Vierge au marché d'Arras, et la "folie", très présente) est un théâtre vivant, mêlant satire et merveilleux, burlesque et quotidien.
On parle souvent du Jeu de Robin et Marion, qui a fait la gloire du plus fameux des trouvères, comme du premier opéra comique français, à cause du réalisme des personnages mis en scène.

Voici deux extraits de musique qui donne une bonne idée de l'oeuvre d'Adam de la Halle :




DISCOGRAPHIE : (à venir...)



Voir aussi le libellé : Pré-Renaissance

Guillaume de Machaut (1300-1377)

Lasse ! comment oublieray
Le bel, le bon, le dous, le gay 
A qui entierement donnay 
Le cuer de mi [...] 

(Guillaume de Machaut)

De ce représentant majeur du courant de l'Ars Nova, on ne connaît pratiquement pas les étapes des vingt premières années.

Né probablement à Machaut en Champagne c'est là qu'il passe les premières années de sa vie. Vers 1323, il entre au service de Jean de Luxembourg, roi de Bohême, auprès de qui il restera attaché comme secrétaire, suivant son protecteur dans ses campagnes militaires et ses voyages à travers toute l'Europe. Son oeuvre la plus ancienne connue Bone pastor Guillaume, Bone pastor qui pastores est écrite en 1324 pour l'élection de Guillaume de Trie à l'archevêché de Reims. Dans cette même ville, Machaut est pourvu d'un canonicat (Bénéfice, revenu, de chanoine dans une église cathédrale, une collégiale) en 1335 (il avait auparavant exercé la charge de chanoine à Verdun et Arras), tout en continuant à servir le roi de Bohême jusqu'à la mort de celui-ci à labataille de Crécy (1346). Après cette date, les plus grands seigneurs s'attachent le musicien - poète : Bonne de Luxembourg, Charles le Mauvais, roi de Navarre, Jean, duc de Berry, Amédée de Savoie et même le futur Charles V. La soixantaine passée, Guillaume de Machaut voue à la jeune Peronne d'Argentières une passion amoureuse qu'il retrace dans un long poème, le Veoir dict (le vrai récit). À sa mort, il est enterré dans la cathédrale, aux côtés de son frère Jean, chanoine comme lui.
Guillaume de Machaut peut être considéré comme le premier grand compositeur français, comme il fut l'un des plus grands poètes de son temps. Écrivain, il est l'auteur de récits destinés à ses protecteurs, les Dits. Poète, il signe environ 250 ballades, rondeaux, lais et virelais. Son oeuvre musicale est la fois profane et religieuse.

Dans les motets, qui au temps de Machaut ne comprenaient généralement que 3 parties, il en introduit une 4ème, la contre-teneur. Il fait également un usage fréquent de l'isorythmie(identité des rythmes dans les différentes parties) selon le modèle fixé par Philippe de Vitry. Les rapports entre fond et forme atteignent une réelle virtuosité poétique et musicale dans lesrondeaux (cf. « Ma fin est mon commencement »), tandis que ses ballades proposent une grande diversité dans la combinaison des rythmes.
Dans le domaine de la musique religieuse, Machaut a composé Le Hoquet David et quelquesMotets latins, mais c'est incontestablement la Messe Notre-Dame qui est ici la pièce maîtresse : Machaut est probablement le premier à avoir composé une messe complète (et à 4 voix...) à une époque où cette forme tenait davantage de la compilation d'éléments disparates.

Œuvre :
323 motets, dont 19 à 3 voix, en majorité profanes, abordant des thèmes d'amour courtois. 242ballades. 222 rondeaux à 2, 3 ou 4 voix 33 virelais et 19 lais, 1 complainte ; 1 chanson royale insérées dans le recueil poétique Remède de fortune ; La Messe Notre-DameLe Hoquet David : double hoquet à 3 voix ; Le Remède de Fortune : Motets, rondeaux et virelays...

AU COMMENCEMENT ÉTAIT LE CHANT

Un bref rappel de cette évolution permettra de mieux saisir la situation dans laquelle se trouve Machaut et l’apport qui sera le sien. Dans toute jeune littérature, le vers précède la prose, et la poésie est d’abord chantée. L’ensemble français et occitan ne fait pas exception. Les deux formes littéraires qui fleurissent d’abord, à la charnière du XIe et du XIIe siècle – la chanson de geste en français et le lyrisme des troubadours en langue d’oc –, sont l’une et l’autre strophiques et chantées.

La forme versifiée non chantée (le « roman ») apparaît une cinquantaine d’années plus tard, la prose littéraire au bout de cinquante autres années, au début du XIIIe siècle. La mélodie des chansons de geste semble avoir été assez répétitive, tout juste rompue par une cadence en fin de laisse. Les chansons des troubadours occitans et un peu plus tard des trouvères français ont une tout autre richesse musicale et les poètes sont fiers de composer à la fois los motz el so : les paroles et la musique. Leurs mélodies sont monodiques, fortement marquées au départ par les modes grégoriens. La ligne générale, malgré les raffinements de l’ornementation, en reste suffisamment simple pour mettre en valeur le texte, qui est l’essentiel, sans risquer de le brouiller ou de le rendre inaudible. Mais cet équilibre se trouve bientôt menacé par la double évolution, de la musique et de la poésie. Depuis la fin du IXe siècle, la musique sacrée connaissait, avec l’organum, une ébauche de polyphonie. Celle-ci se développe à la fin du XIIe siècle, tout particulièrement à Paris.

Au siècle suivant, elle a ses théoriciens et gagne le domaine profane, où elle prend la forme du motet, pièce poétique et musicale dans laquelle chaque voix a pour support un texte différent. Le résultat est que, lors de l’interprétation, les textes deviennent incompréhensibles : le progrès de la technique musicale se fait au détriment de la poésie.

Au même moment, cette dernière connaît sa propre mutation. À côté du lyrisme courtois, chanté, se développe une poésie récitée – le dit – qui prend la forme d’une mise en scène ou d’un récit du moi, caricaturé sous l’apparence de la confidence ou projeté dans l’univers allégorique et chargé de sens du rêve, selon un modèle popularisé par le prodigieux succès du Roman de la Rose. Ainsi se profilent une nouvelle répartition des formes poétiques et une nouvelle définition de la poésie, en elle-même et dans sa relation à la musique. 

Machaut, poète et musicien de cour...

C’est dans ce contexte qu’apparaît Guillaume de Machaut. Né vers 1300 dans une famille obscure, il tire sans doute son surnom de son lieu de naissance, le village de Machault, dans le diocèse de Reims. Après des études poussées, devenu maître ès arts, il entre vers 1325 au service de Jean de Luxembourg, roi de Bohême, dont il est l’aumônier, puis le notaire et le secrétaire, et pour lequel il écrit le Jugement du roi de Bohême. Grâce à lui, il obtient plusieurs canonicats, dont celui de Reims en 1337. Il devient le protégé de sa fille, Bonne, épouse du futur roi de France Jean le Bon, à qui est sans doute dédié le Remède de Fortune.
Par la suite, il écrit pour le roi Charles de Navarre, dit Charles le Mauvais (Jugement du roi de Navarre en 1349 et Confort d’ami en 1357), mais, vers 1360, il se tourne vers la cour de France. En 1361, il héberge chez lui, à Reims, le futur Charles V, alors régent du royaume et dédie la même année le Dit de la Fontaine amoureuse à son frère, le duc Jean de Berry. Sa dernière œuvre, la Prise d’Alexandrie, est consacrée au roi de Chypre Pierre Ier de Lusignan. Il meurt en 1377.

Poète illustre, respecté et fêté sa vie entière, Guillaume de Machaut est tout autant un musicien. Sa première œuvre est un motet latin datant de 1324 et chacun connaît sa célèbre messe. Mais c’est surtout au contact de la poésie que son originalité de musicien se manifeste. Non seulement dans la pratique de la polyphonie, mais aussi, et presque à l’inverse, dans l’extrême attention prêtée à l’harmonie du mouvement musical et du rythme poétique, harmonie préservée ou mise en valeur par des trouvailles constantes.

Les formes fixes : invention et virtuosité :

Mais, dira-t-on, les quelques œuvres citées plus haut relèvent du dit et non pas du lyrisme. Où se situe donc la place de la musique ? En réalité, Guillaume de Machaut est également l’auteur d’une œuvre lyrique non seulement abondante mais fondatrice, en ce qu’elle oriente définitivement (à l’échelle du Moyen Âge) la poésie lyrique vers les formes fixes, généralement à refrain, qui étaient auparavant tout juste bonnes à accompagner la danse. Elles seront désormais le lieu de toutes les virtuosités métriques et hardiesses musicales : le rondeau, laballade et le chant royal, le virelai, dont Machaut fixe la structure. Ces pièces lyriques peuvent être isolées. Elles peuvent aussi, selon un procédé appelé à un grand succès, se succéder de façon à suggérer le déroulement d’un récit, comme le font les ballades de la Louange des dames. Elles peuvent enfin être insérées dans un dit en un montage très révélateur de l’évolution de la poésie à cette époque. Le dit prend en charge le récit ou le débat, dont les poèmes chantés à forme fixe qui y sont insérés assurent le commentaire affectif en ménageant les moments de l’effusion.

Ce procédé trouve toute sa force et tout son sens dans le chef-d’œuvre de Machaut, le Voir Dit (« dit véritable »), composé en 1364. L’illustre poète, âgé et convalescent, engage avec une très jeune admiratrice une correspondance littéraire qui devient vite sentimentale. Les lettres en prose et les poèmes à forme fixe qu’ils échangent, avec leurs mélodies, sont insérés dans la trame du récit en couplets d’octosyllabes. Ainsi les modes divers de la lecture et l’audition musicale se mêlent pour scander les étapes de cette histoire banale et unique.

Le plus grand et le dernier…

À la fin de sa vie, Machaut a lui-même pris soin de rassembler son œuvre, précédée d’un Prologue général qui est un art poétique sous forme allégorique. On y voit Nature donner à Guillaume de Machaut trois de ses enfants, afin qu’ils l’aident à célébrer l’amour, tâche pour laquelle elle l’a formé. Ces trois enfants sont Sens (la raison ordonnatrice des pensées et des sentiments), Rhétorique (l’art des vers, des rimes et des rythmes) et Musique. C’est dire que poésie et musique sont à ses yeux indissociables. Elles seront pourtant dissociées tout de suite après lui, voire de son vivant même.

Ni Jean Froissart, dont la poésie s’inspire si étroitement de la sienne, ni Eustache Deschamps, qui se proclame son disciple et qui était peut-être son neveu, ne sont musiciens. Le premier, invité à composer des poèmes à danser pour les divertissements de la cour d’Angleterre, se contente d’écrire les textes. Le second, dans son "Art de dictier et de fere chansons", valorise la « musique naturelle » (la poésie) au détriment de la « musique artificielle » (la musique).

L’union de la poésie et de la musique atteint donc avec Guillaume de Machaut un apogée, aussitôt menacé par le degré de complexité qu’elles ont atteint l’une et l’autre. Mais elle se prolongera dans un registre plus humble.

La chanson courtoise, ancien genre noble que, par une sorte de chassé-croisé, les formes fixes avaient supplanté dans la poésie savante, survit sous un aspect popularisant auquel les milieux princiers, folkloristes avant la lettre, trouveront au XVe siècle un certain charme. Ce sont les ancêtres des vieilles chansons françaises qui ont bercé notre enfance. Elles alimenteront ainsi pendant des siècles une source ténue et limpide où se mêlent la musique et la poésie.

Voici quelques extraits de musique qui donne une bonne idée de l'oeuvre de Guillaume de Machaut:
extrait de la Messe de Nostre-Dame : "Kyrie"
extrait de "Jardins Médiévaux" : "Rose, liz, printemps, verdure"
Chanson de Guillaume de Machaut : "Dame, mon cuer en vous remaint"

DISCOGRAPHIE : (à venir...)




Voir aussi le libellé : Pré-Renaissance

mercredi 26 janvier 2011

PRÉ-RENAISSANCE (600-1400)

UNE CIVILISATION DISPARAÎT ET UNE AUTRE VOIT LE JOUR
Depuis que l’humanité peuple la terre, d’innombrables civilisations ont poursuivi leurs voies mystérieuses, lentement écloses et menées à leur apogée, avant de retomber dams le néant. Mais il est exceptionnel de voir concentrer aussi étroitement la fin d’une civilisation et le commencement d’une autre dans une même ville et ce, en un aussi bref laps de temps !

C’est cependant ce qu’il advint à Rome, aux premiers siècles de l’ère chrétienne.

« Tous les chemins mènent à Rome », dit un adage qu’on pourrait appliquer à l’histoire de la musique de l’antiquité. Nous avons vu que les courants asiatiques nous y conduisent jusqu’à la décadence d’une civilisation gigantesque, dont l’aspect musical nous demeure à peu près inconnu. 

À Rome nous assisterons à l’éclosion d’une nouvelle culture très différente ; ce sera la nôtre, celle que nous connaissons depuis bientôt deux mille ans. (d’ailleurs certains signes de décrépitudes montre que notre époque tirerait à sa fin). 

Pourtant, bien des siècles appartiendront encore, musicalement parlant, à la préhistoire. Le voile du passé ne se lèvera que très lentement sur l’Apparition des premiers manuscrits déchiffrables, des premières œuvres réellement à la portée de notre entendement.

Le vieux monde s’est effondré, lentement, et sans que ses témoins s’en rendent compte… Simultanément, en cette Rome éblouissante, avec ses palais, ses lieux de divertissement, ses casernes, et ses quartiers populeux; une ville souterraine s’éveilla dans les couloirs secrets qui furent les catacombes où se réunissaieent quotidiennement les adeptes du Maître de Nazareth. Mais les Chrétiens de la première heure détestaient la musique, annonciatrice de leur mort dans les arènes, de danses lascives ou d’accompagnement de cultes idolâtres.

Chaque révolution a sans doute besoin de musique ; par conséquent le christianisme, la plus vaste révolution humaine depuis plusieurs millénaires, ne pouvait s’en passer.

Les premiers croyants, réunis dans l’obscurité protectrice des catacombes cherchèrent à élever leurs cœurs et leurs âmes en chantant des louanges à l’Éternel. Ils ne connaissaient cependant aucune mélodie capable d’exprimer l;a pureté de leurs sentiments, aucun chant assez puissant pour soutenir leurs prières et leur communiquer l’envol spirituel, dans la mesure de la plus haute et absolue foi.

En l’an 54, l’apôtre Pierre vint à Rome. Il apprit des prières ux jeunes communautés chrétiennes et anima leurs réunions au moyen d’hymnes d’une beauté rude, mêlée de chaste ferveur.

Ces chants, sait Pierre les rapportait d’Antioche où il avait longtemps séjourné. C’étaient, par conséquent, des airs orientaux, assurément très anciens et étroitement apparentés à ceux du temple judaïque. La multitude révolutionnaire des catacombes y trouva ce qu’elle cherchait et insuffla un nouvel esprit à cette musique d’origine ancienne. Pendant dix siècles, ces hymnes formèrent la base de l’art musical, relié à la croissance de la foi chrétienne, associé aussi à son triomphe et à sa divulgation partout sur terre…
Les missionnaires s’en servirent pour convertir les peuples païens, leur apportant ainsi, avec une religion nouvelle, des chants nouveaux qui, bien que très anciens, semblaient étrange aux néophytes d’Europe, exactement comme ils allaient étonner, dix siècles plus tard, les populations des Amériques…

Ces chants – le terme est employé ici à dessein, plutôt que celui de « musique », car apparemment aucun instrument n’accompagnait les mélodies chantées au cours de ces siècles presque immuables – ces chants, donc, connurent une évolution ; ils furent adaptés, grâce à l’élimination de certains détails faisant place à d’autres. L’Église catholique allait détenir la garde de cette musique, pratiquement jusqu’à nos jours… Malgré plusieurs longues interruptions et, de fait, ces chants perpétuent aujourd’hui le renom du pape qui les a réunit, les annota, les coordonna : Grégoire le Grand (540 – 604).
De là nous parlons de « chants grégoriens ».

Durant, plusieurs siècles, le grand volume qui renferme l’œuvre maîtresse de sa vie demeura attaché par une chaîne à l’autel de la Basilique de Saint Pierre de Rome, et on lui doit encore actuellement l’unité musicale de l’Église catholique. Il faut cependant mentionner ici l’évêque de Milan, saint Ambroise, qui s’attira de grands mérites en servant la musique de l’Église occidentale, ce vers l’an 400.

Puisque nous parlons de Rome et des martyres chrétiens, évoquons aussi sainte Cécile qui, d’après de nombreux textes anciens, « inventa » la musique et, selon d’autres, fut la promotrice de l’orgue. Elle subit d’ailleurs le martyre et mourut le 22 novembre de l’an 230. Ce jour est célébré, en de nombreux pays, comme la « fête de la musique ». Sainte Cécile devint, est, de ce fait, la protectrice des musiciens, et prototype modèle d’innombrables tableaux représentant ou évoquant ;la musique; surtout à l’époque de la Renaissance.

En 323, le christianisme fut reconnu officiellement comme religion d’État. Sa musique put quitter les catacombes et faire son entrée dans les églises. Aussitôt, au sein du clergé qui s’occupait de questions musicales, des querelles éclatèrent et des courants opposés se firent objection. Le chant de la communauté fut ébranlé, les ecclésiastiques voulaient même en faire leur privilège exclusif!

En 650, le concile de Châlons interdit aux femme de chanter à l’église. Une lutte incessante opposa les tendances orientales, partisanes, de mélodies compliquées, ornées d’arabesques, au courant occidental qui ne voulait que des chants simples dépourvus d’ornements.

Pendant ces premiers siècles, le rôle de la musique dans l’Église catholique fut plus important que de nos jours. L’une des questions les plus graves de la réforme protestante fut celle de la musique, question qui ne fut jamais tranchées de façon satisfaisante, tout en livrant accès aux fidèles à l’exercice intensifié de la musique. L’âpre lutte, pour ou contre l’emploi d’instruments à l’église, se prolongea longtemps, avant que l’orgue n’y fut admis.

Malgré toutes ces divergences, la musique forma un élément potentiel dans les activités des missionnaires et des évangélisateurs. Là où la parole sacerdotale ne pouvait se faire entendre, soit parce que les indigènes ne comprenaient pas le latin, ou que les missionnaires ignoraient la langue du pays, la musique accomplit de véritable miracle, surtout dans le cas où les adeptes de l’Ancienne croyance refusaient d’écouter les prédications des nouveaux venus.

À Rome et dans d’autres villes, s’ouvraient des écoles appelées « Schola Cantorum », où la musique était enseignée aux missionnaires. De là elle se répandit à travers toute l’Europe.

Les évangélisateurs fondaient des couvents sur leur passage : beaucoup de ces monastères devinrent de véritables tabernacles de la musique, comme celui que Saint-Augustin inaugura en 597 dans le Kent, peu après son arrivée en Angleterre.

La puissance politique de Rome approchait lentement de sa fin. On admet en général que l’an 476 fut le  "tournant de l’histoire", où le vieux monde périclita et fit place enfin à une nouvelle ère. Une ère aussi différente de celle qui la précédait, que de la nôtre.

Nous la considérons comme embrouillée, mystique, étrange, pleine de fanatisme et de violence. Et pourtant, il fallait bien que l’Occident se développât ainsi ; sans cet essor, le nouvel âge d’or n’aurait pu voir le jour!

Dans l’Europe de ce temps, les routes étaient rares et peu sûres ; difficiles, les voies d’accès par lesquelles le christianisme, l’écriture, les arts et la musique pouvaient péniblement se frayer un chemin. On se servait tantôt des grands fleuves navigables, comme le Danube et le Rhin, tantôt des passages sur les Alpes. Le long de ces routes, il existait des communautés dont le couvent formait le centre, comme en la célèbre abbaye de Saint-Gall, en Suisse, dont l’histoire remonte à l’an 720.

Ce monastère fut un centre intellectuel ; il abrita les moines les plus savants du moyen-âge, parmi lesquels le poète Notker Balbulus (830-912). On lui attribue des trouvailles concernant la théorie musicale et aussi le chant « Media Vita », encore exécuté de nos jours (surtout dans la transposition de Marthin Luther King).

Cette cantilène monodique exprime à merveille la quintessence de la conception monastique, selon laquelle la mort nous guette à chaque instant. C’est là, en somme, la teneur principale de la pensée médiévale, dont l’unique aspiration semblait axée sur l’au-delà. Par conséquent, la musique – le plain-chant grégorien – ne pouvait exprimer d’autres sentiments.

Un autre moine, Notker, surnommé « Labeo » (950-1022) possédait une culture universelle ; il traduisit en allemand des auteurs latins et grecs, dont Aristote, et rédigea le premier écrit en langue germanique concernant la musique. On lui doit aussi un traité sur la construction des tuyaux d’orgue! 

Il convient aussi de mentionner la bibliothèque du couvent Saint-Gall, qui contenait en l’an 850, plus de 400 volumes, nombre élevé pour l’époque. Les œuvres musicales y occupaient une place importante ; avant tout le codex des chants de la messe, dont nous reproduisons une page ornée du portrait du moine musicien : Luitherus. 

Ces manuscrits nous permettent de nous rendre compte de la rigueur avec laquelle le clergé maintenait notre art en cette époque. En même temps, on comprends comment la musique, frustrée de toute intervention directe du peuple, se figea en une science pétrifiée et sèche et devint la sœur d’autres sciences sevrées de tout épanouissement ou d’envols inspirés. 

Certes, les progrès théoriques étaient importants, mais le développement artistique restant quasi nul, nous ne pourrons trouver de réaction qu’à l’heure où apparaîtrons les ménestrels, à l’épopée des troubadours. (Voir le libelé : Épopée des Troubadours)

Citons encore une troisième personnalité de cette époque, la figure la plus importante de la pré-renaissance : Guido d’Arezzo*.

On attribue à ce moine quantité d’innovations dans le domaine de la musique. Entre autre, une amélioration sensible de la notation et un système fort pratique d’intonation qui consitait à indiquer de la main les positions des six notes existantes (l’« hexacorde »). Ce système est appelé « la main guidonienne ».
Guido d’Arezzo inventa également l’alphabet musical, encore en vigueur dans la plus grande partie du monde : Ut-Ré-Mi-Fa-Sol-La-Si (cette dernière note ne fut cependant admise que beaucoup plus tard).

Guido d’Arezzo (995-1050) était un homme ingénieux. Pour trouver ldes syllabes convenat à ses exercices d’intonation, il se servit d’un hymne que les choristes adressaient à Saint-Jean Baptiste pour le prier de préserver de l’enrouement.

Chaque nouvelle phrase débute précisément par un ton plus haut que la précédente. 
Guido d’Arezzo emprunta donc la première syllabe de chaque phrase :

UT queant laxis               Que tes serviteur chantent 
REsonare fibris                D’une voix vibrante 
MIra gestorum                 Les admirable gestes 
FAmuli tuorum                De tes actions d’éclat 
SOLve polluti                   Absous des lourdes fautes 
LAbii reatum                   De leur langues hésitantes 
SI = Sancte Ioanes          Nous t’en prions Saint-Jean 

(IIème Vêpres de la fête de St-Jean Baptiste. Paroissiens de Solesmes.)

Bientôt on découvre que la syllabe UT ne se terminant pas sur une voyelle était un peu âpre, sinon peu apte à être chantée. On lui attribua alors le fameux « DO », de « Dominus » (la dominante), et ainsi l’alphabet musical des pays latin et christianisés était enfin constitué et établit.

LA MUSIQUE DE LA PRÉ-RENAISSANCE 

Les caractéristiques de la musique de la période de la pré-renaissance sont très marquées : elle est vocale, sans aucune contribution d’instruments, toujours chantée à l’unisson, sans contre-chant, ni accompagnement. Dans le sens de nos conceptions actuelles, c’est également une musique sans rythme, ne faisant jamais appel à aucune percussion, ainsi, ni plus ni moins, non rythmée. La monodie s’écarte résolument de ce que de nos jours nous qualifions de rythme, à proprement dit.

Il existe au moins trois moyens de se plonger dans l’ambiance particulière de ce passé inusité : qu’on se rende un jour de grande fête, dans une synagogue orthodoxe et l’on y entendra des chants de la plus haute antiquité, ou dans certaines abbayes de France, de Suisse d’Allemagne, qui, parce qu’il y a encore des fervents gardiens de l’authenticité, nous reportent aux époques décrites précédemment… 

Sinon, on se retrouvera dans certaines églises chrétiennes où les traditions du chants grégoriens ont subsistées avec de légères modifications…


Ou bien encore, on fait appel aux enregistrements disponible sur disques. Il existe de très beaux et très authentiques enregistrements de chants grégoriens, qui savent nous faire subir l’envoûtement.

Quoiqu’il en soit, vous serez sans doute invité à une sorte de recueillement, et ne pourrai pas vous détourner de l'enchantement que provoque cette musique, si détachée des choses terrestres, d’une si belle et si prenante austérité. 

Il faut d’ailleurs ici profiter de l’occasion pour attirer votre attention sur les enregistrements incontournables de l’Abbaye de Solesmes. Ces enregistrements permettent de survoler l’esprit, l’espace et le temps d’une époque enfouie loin dans le passé, qui marqua l’histoire de l’Occident. Ces enregistrements vous donnerons très certainement une bonne idée de l’époque que nous avons cherché à dépeindre ici.
Musique principalement vocale, monophonique ou polyphoniques. 
Le chant grégorien est le genre le plus important de cette période.
Les noms de deux musiciens de cette période sont surtout à retenir : Adam de la Halle* (1240-1287) et Guillaume de Machaut* (1300-1377)


ADAM DE LA HALLE (1240-1287)
Adam de la Halle (dit Adam d'Arras ou le Bossu d'Arras) est un trouvère français né au XIIIe siècle (vers 1240) à Arras, mort vers 1287 dans le sud de l'Italie à la cour du comte d'Artois ou après son retour à Arras, en 1306. Son art, à la charnière de la monodie et de la polyphonie, fait qu'on le considère souvent comme le dernier trouvère.

Il n'existe aucun document donnant des indications sur la vie de ce trouvère. Ce qui est connu est tiré des manuscrits de ses œuvres. Il est nommé Adam de la Halle et aussi Adam le bossu, et serait le fils d'un certain maître Henri le Bossu, employé à l'échevinage d'Arras. Il aurait étudié à l'Université de Paris3, et aurait obtenu le titre de maitre des arts4. Il est l'auteur du Jeu de la feuillée en 1276, et du Jeu de Robin et Marion. 

Vers 1262, il accompagne à Naples le duc Robert II d'Artois, où il donne peut-être, vers 1283-1284, son Jeu de Robin et Marion à la cour de Charles d’Anjou. 

Adam de la Halle est probablement décédé à Naples en 1287, d'après l'explicit de la copie datée de la Chandeleur 1288 du Roman de Troie par Jean Madot, son neveu, et par l'auteur du Jeu du Pélerin, qui prétend être allé sur la tombe du poète avec le comte d'Artois6. 

« Or est mors maitre Adans, Dieus li fache merchi
A se tomble ai esté, don Jhesu Crist merchi ! » 

Selon une hypothèse de Fabienne Gégou, Adam de la Halle ne serait pas mort en 1287, mais aurait vécu jusqu'en 1306, date à laquelle il aurait été signalé parmi les 175 ménestrels présents à Westminster lors de la fête princière de la Pentecôte. Cette affirmation sujette à controverses est contestée par les autres spécialistes du trouvère. 


GUILLAUME DE MACHAUT (1300-1377) 
L’œuvre la plus marquante de cette période et qu’on peut considérée pour être à la base de la musique occidentale est sans nul doute « La Messe de Nostre Dame » de Guillaume de Machaut. 

Le champenois Guillaume de Machaut (1300-1377), ami personnel du roi aveugle Jean de Luxembourg et de Charles V le Sage, domine le XIVe siècle français par la richesse de sa production littéraire et la nouveauté de ses compositions musicales. Ses ballades et ses dits l'ont rendu célèbre ; le disque a largement diffusé ses chansons d'amour et sa messe polyphonique ; les historiens ont mis en valeur le témoin passionné des héroïsmes, des troubles et des inquiétudes de son siècle ; les manuscrits de ses œuvres livrent quelques-uns des chefs-d'œuvre de l'enluminure médiévale. Le colloque de Reims et les débats animés qui ont suivi les communications ont été l'occasion pour d'éminents savants de l'ancien et du nouveau monde de renouveler notre connaissance d'un homme et d'un temps, dont le langage simple et précis de ce livre permet au lecteur curieux de notre passé de faire aisément le tour. 

"Artisan de l'ancienne et de la nouvelle forge", comme il aime à se définir lui-même, le clerc tonsuré champenois Guillaume de Machaut, chanoine de la cathédrale de Reims, n'invente aucune forme mais tire parti avec brio des genres existants. Sans doute représente-t-il un des premiers artistes à avoir tenté de penser son oeuvre pour la situer consciemment dans son propre cheminement. Il place d'ailleurs en tête de ses manuscrits un texte essentiel qu'il a baptisé Prologue afin d'éclairer sa démarche. 

Son oeuvre est triple : narrative dans les Dits à l'intention de ses protecteurs et le Voir-Dit (texte littéraire sous forme épistolaire, fiction ou réalité...), poétique (on recense 250 poèmes lyriques) et musicale. 

Là encore nous distinguons son oeuvre profane (ballades, rondeaux, virelais, 18 motets et 18 lais) et religieuse (le Hoquet David, six motets latins et la Messe Notre-Dame). Il revendique pour la musique tant la fonction sacrée que profane :

"Et Musique est une science / Qui veut qu'on vie, chante et danse / Cure n'a de mélancolie (...) / Peut-on penser chose plus digne / Ne faire plus gracieux signe / Comme d'essaucier Dieu et sa gloire ..." (extrait du Prologue)

La Messe Notre Dame est la première messe complète qui nous soit parvenue et utilise quatre voix. Grandiose, austère, elle n'invoque certes pas le lyrisme des passions mais combine avec ingéniosité et variété les trouvailles du XIVè siècle, multipliant les dissonances rythmiques et mélodiques avec inventivité. 

Citons ici encore la superbe analyse de Françoise Ferrand (Chapitre 7 de l'« Histoire de la Musique Occidentale » sous la direction de Jean & Brigitte Massin, Fayard, 1985, p236) : 

"L'alliance de l'art ancien et de l'art nouveau, la clarté des structures jointe à l'élégance formelle, la suavité des mélodies épousant la souplesse des vers tandis que les rythmes nouveaux donnent aux polyphonies toute leur force de cohésion font que Guillaume de Machaut apparaît dans son siècle comme : '...l'escarboucle qui reluist et esclaircist l'obscure nuit.'" 

Notes : * biographie détaillée au libellé du même nom

GUIDO D’AREZZO

Guido d'Arezzo — en français parfois Gui ou Guy d'Arezzo, voire Gui l'Arétin, en latin Guido Aretinus, en italien parfois Guido Monaco — est l'un des saints Guy. C'est un moine bénédictin italien, né en 992 et mort en 1050, d'après certaines sources le 17 mai. Il est célèbre pour sa contribution à la pédagogie musicale, notamment à l'élaboration d'un système de notation sur portée. Le lieu de sa naissance reste sujet à conjectures : ce pourrait être Arezzo, Ferrare, Pomposa sur le delta du Pô, Talla ou encore une autre ville italienne. 

On sait peu de chose sur ce musicien, et même le lieu de sa naissance et celui de sa formation sont l’objet de controverses. Certains pensent qu’il est né à Pomposa et serait entré très jeune dans l'abbaye de cette localité où il aurait reçu sa première formation musicale.
D’autres sont d’avis qu’il serait originaire d’Arezzo et qu’il aurait reçu sa première instruction musicale dans la cathédrale de cette ville dont il aurait été cantor, avant d'entrer à l’abbaye bénédictine de Pomposa, célèbre en tant que foyer musical. Son séjour dans cette abbaye n’est contesté par aucun biographe1. C’est là que, constatant les difficultés éprouvées par les moines à mémoriser exactement le plaint-chant, il aurait eu l’idée d’une méthode pédagogique qui leur aurait permis d’apprendre les morceaux beaucoup plus rapidement, méthode qui se serait répandue dans le nord de l’Italie. 

Expulsé du monastère de Pomposa pour des raisons obscures, peut-être pour avoir refusé de se plier à l’orthodoxie musicale du lieu, il est ensuite l’hôte de l'évêque Théobald, à Arezzo1. Logé à l’évêché, il est chargé de la direction de l’école de musique de la cathédrale1. Jusqu'à cette époque, la musique se transmettait uniquement oralement, et constatant la corruption inévitable des morceaux transmis aux élèves par des maîtres qui ne pouvaient s’appuyer que sur une mémoire parfois défaillante, Guido continua à développer ses recherches en matière de pédagogie musicale, jetant les bases de la notation moderne sur portée et du violon mais aussi de la contre-basse. 


ŒUVRES
- Micrologus de disciplina artis musicæ (vers 1025 ou 1026) : il s'agit de l'un des plus gros traités du Moyen Âge. Il est destiné aux maîtres et aux experts et non aux simples chantres.

- Regulæ rythmicæ : synthèse du précédant, destinée à l'enseignement.
- Prologus in Antiphonarium : explication technique de la notation sur portées.
- Epistola ad Michaelem : ce livre contient des éléments biographiques et une explication de sa méthode pour apprendre le chant. 

On lui attribue parfois la main guidonienne sur laquelle sont placées les claves, et qui, dans le domaine du solfège, équivalait à un instrument de musique — elle permettait de visualiser plus facilement les intervalles et de jouer de la musique, même sans instrument.
Professeur de musique et grand pédagogue, il est à l'origine du système occidental de dénomination des notes de musique. 

Guido d'Arezzo a également apporté sa contribution à la traduction des mélodies au moyen de son invention nommée « hexacorde », ancêtre de la portée actuelle, où chaque note avait une position absolue et non plus relative comme dans les neumes. 
Pour nommer les six degrés de son hexacorde, Guido d'Arezzo a utilisé les premières syllabes d'un chant religieux latin, l'Hymne à saint Jean-Baptiste, dont le texte est attribué au moine et érudit italien Paul Diacre (en latin Paulus Diaconus). 

Ut queant laxis 
Resonare fibris 
Mira gestorum 
Famuli tuorum, 
Solve polluti 
Labii reatum, 

Le système des hexacordes (gamme de 6 notes) est adopté mais est complexe. Le nom des notes est alors relatif : Ut n'est pas une note fixe à une fréquence donnée, mais simplement la première note du mode. 

Par la suite Jean-Baptiste Doni (début du xiiie siècle) remplace Ut par Do pour faciliter la prononciation et il rajoute aussi une 7e note, le Si, en prenant les initiales de saint Jean (J et I n'étant pas différenciés en latin) : 
"Sancte Ioannes". 

Traduction : « Afin que tes serviteurs puissent chanter à gorge déployée tes accomplissements merveilleux, ôte le pêché de leurs lèvres souillées, saint Jean. ». 

La première syllabe de chaque vers correspond à une note de la gamme (qui monte du do au si). À l'époque, la notation de Guido d'Arezzo ne comportait que quatre lignes, et le si n'a été ajouté qu'à la fin du xvie siècle par Anselme de Flandres. Enfin, pour faciliter la vocalisation, uta été remplacé par do au cours du xviie siècle par Giovanni Battista Doni.

HOMMAGES

- Son nom a été donné à une place de Bruxelles (Place Guy d'Arezzo), au conservatoire musical de La Norville (Conservatoire Guy d’Arezzo), à une société relevant de l’abbaye de Solesmes, dans la Sarthe. 

- Un cratère de la planète Mercure a été baptisé du nom de Guido d'Arezzo.

- Le format de la notation musicale numérique GUIDO repose sur le nom de Guido d'Arezzo. 

samedi 22 janvier 2011

ÉPOPÉE DES TROUBADOURS (700 à 1400)

LA PITTORESQUE ÉPOPÉE DES TROUBADOURS
Ces idées qui résonnèrent dans les temples qui nous ont guidés à travers l’histoire de l’antiquité sont déjà loin derrière nous. Les théâtres en plein air de la civilisation hellénique ont disparu dans le néant. Voici venu le moment de nous détourner des couvents des premiers siècles chrétiens, pour examiner un nouveau mode de vie.

L’Europe se voit menacée de toute part : au sud, l’Islam, au nord et à l’ouest, les Normands ; à l’est les Huns, les Tartares et les Slaves ; tous veulent envahir et subjuguer ce coin de terre mal défendu.

La figure des prêtres s’efface peu à peu devant les hommes d’armes qui prendront la direction de la nouvelle Europe caractérisée par la constitution de la « féodalité » et des ordres de « chevalerie ».

Les arts – et avec eux la musique –ont toujours été le miroir fidèle de l’époque dont ils sont issu. Par conséquent, il est manifeste que ces changements politiques fondamentaux entraînent une transformation radicale sur le terrain artistique et musical.

La mentalité du chevalier établira bien des différences de celle du prêtre… Si tant est que la piété de l’homme d’armes demeure tout de même profonde, marquée par la crainte d’un règlement de comptes, même après la mort! Enfin, des intérêts d’ordre profane n’en vont pas moins se profiler à l’avant-plan. Ce seront : l’amitié, les vicissitudes guerrières, spleen, doléance, abattement, les aventures dans les contrées lointaines, le dépaysement, l’exotisme, et aussi toute la gamme des histoires d’amour qui finissent bien ou qui tournent mal; romances, complaintes, aubades, ritournelles…

Ces thèmes régenteront la vie du chevalier, qui les chantera et voudra les entendre chantés autour du feu de camps ou dans la grande salle de son château, durant les longues soirées d’hiver, en famille, ou entre amis…

D’ailleurs, le « château fort » domine les terres environnantes, surveillant routes et cours d’eau; protégeant les humbles chaumines des serfs, timidement blotties dans l’ombre.

Un chevalier errant vient demander asile et, pour lui faire honneur, on convie tous les nobles vassaux du fiefs. Le soir, alors qu’il a depuis longtemps déposé son épée, le chevalier  prend sa lyre, la petite harpe qui le suit partout dans ses pérégrinations. Les hommes écoutent, captivés, tendus, car les chevaliers chantent le plus souvent les exploits qu’ils ont vécus, les épreuves qu’ils ont traversées, : combats et croisades, beauté des femmes d’autres peuplades, couronnement, noces solennelles dans une demeure, trahison ou trépas sur le champs de bataille, fidélité éternelle jurée entre amis, mystérieux philtres d’amour, philtres d’oubli, tournois, victoires ou défaites…

Les dames, vêtues de leurs plus beaux atours, écoutent avec une attention encore plus soutenue que les chevaliers car un monde inconnu, insoupçonné, s’ouvre devant elle.

À mi voix, le chanteur déclame son poème, chanson de geste, tantôt parlé, tantôt chanté… Lorsqu’il s’arrête, tard dans la nuit, la fille du château lui tend une fleur rare et il s’estime récompensé!

Voilà le début d’une nouvelle ère qui appelle à la découverte de l’inconnu et qui favorisera cette époque de courtisanerie. Ici, ritournelles et aubades se prêtent au jeu.

Beaucoup d’éléments se mêlent dans ces suites de chants : airs populaires du pays d’origine du ménestrel qui les exécute; mélodies de toutes les contrées visitées par le chanteurs et les musiciens, en Occident, comme en Orient.

Ces chants nouveaux s’envoleront aux quatre vents d’Europe ; peut-être les Bardes, les Celtes, de véritables chanteurs/musicien/conteurs professionnels… Alors en furent-ils les initiateurs ? Ils avait été les anciens prêtres de l’Irlande, du Pays de Galles, et de la Scandinavie, avant d’entreprendre leur longues randonnées ; chroniques vivantes, ils relataient tout ce qu’ils voyaient et mettaient en musique les événements dont ils avaient été témoins.

Ces Bardes constituaient une véritable caste de musiciens et comptaient dans leurs rangs des joueurs de harpe, certains honorés du titre « docteur ès musique », obtenu après de longues études et de sévères examens.

Ils se réunissaient tous les trois ans pour décerner des grades aux Bardes initiés, variant du simple « apprenti » au « Grand Maître ès musique et poésie ».

Dès le XIème siècle, on rencontre des troubadours dans le Midi de la France. La plupart était des chevaliers, c’est à dire d’allégeance issue d’ordre de chevalerie.

Au début, ils se reconnaissaient la suprématie de l’Église, mais avant peu, les images des saints s’effacèrent devant celles des combats, et le culte Marial fit peu à peu place à celui de l’« amour courtois ».

Peu à peu, le latin fut abandonné au profit de la langue vernaculaire, à la portée de tous.
L’Art poétique et la musique y gagnèrent une nouvelle popularité qui manquait fatalement au chant d’église latin…

Le centre de « ménestrandie » se trouvait en Provence, berceau de la langue d’oc, terre ensoleillée qui abrite toujours Limoges et Toulouse, sa capitale.

En la cathédrale de cette ville l’un des édifices les plus ancien de la France, déjà au XIème siècle et au XIIème siècle, s’organisaient des Jeux Floraux, où la Reine du tournois poétique et musical offrait une fleur à celui qui remportait victoire. Heureux temps où le troubadour se jugeait récompensé d’un an de travail poétique en recevant une fleur d’une blanche main !

Nombre de mélodies des troubadours sont parvenues jusqu’à nous, encore qu’avec des altérations plus que probables… Quoiqu’il en soit, ses ritournelles sont le plus souvent l’expression d’une mentalité noble et élevée ; desquelles le sens de l’action dramatique et un goût artistique très raffiné sont manifestes.

Dans la notation de certaines de ces chansons nous constatons un progrès indéniable ; déjà apparaissent les portées : ces lignes horizontales qui servent à déterminer et fixer la hauteur des notes. Par contre, on ne rencontre aucune indication d’accompagnement vocal ou d’accords. Il faut donc admettre que ceux-ci étaient laissés à la capacité, au style et au bon goût de l’exécutant, ainsi que cela se pratique encore de nos jours pour la musique folklorique…

Troubadours, trouvères, ménestrels, semblent s’être accompagnés sur l’ancêtre du violon, la « giga », sur la « vielle », ou sur d’autres instruments à archet qui firent leur apparition en Europe après que les Maures les eurent introduits en Espagne.

Peut-être connaissait-on aussi les harpes, et sans aucun doute l’apport de quelque percussions, comme le tambourin à clochettes…

Le troubadour se servait-il d’accords, du moins, d’harmonie très pauvres? Assurément, certains pensent… Mais la théorie n’en fait pas encore mention nulle part…

Si dans le Midi de la France, on rencontre des troubadours, dans le nord de ce pays, on les appellera « trouvères ». Le mouvement s’étendit au-delà des Pyrénées, dans toute l’Espagne et le Portugal. Et là, dans cette péninsule ibérique où des airs populaires ont dû exister depuis si longtemps, où, depuis la conquête rabe de 711, l’un des plus intéressants folklores était né, la classe dirigeante s’empara de la musique et produisit des musiciens de haute valeur.

Citons : Alphonse le Sage, roi de Castille et de Léon (1221-1284), poète et compositeur éminemment doué, auteur de célèbres « Cantigas : Don Juan I d’Aragon », qui fonda un institut de musique à Barcelone et organisa, à l’instar de Toulouse, des festivals de poésie et de musique, encore en usage dans plusieurs parties de l’Espagne.

La « Ménestrandie » passa alors de France septentrionale en Flandres et en Angleterre.
Dans ce dernier pays la musique était si intensément cultivée que , des siècles durant, on parlera du « Merry Old England » (la joyeuse Angleterre). Il s’y trouvait même des rois-ménestrels ! D’après une légende célèbre, Richard Cœur-de-Lion, sacré roi d’Angleterre en 1189, fut fait prisonnier à son retour de la Terre Sainte, par son ennemi, le duc Léopold d’Aufort de Durnstein au bord du Danube. Blondel, le fidèle ami de Richard Plantagenêt, partit à la recherche de son roi disparu. Chaque nuit, il s’arrêtait pour chanter au pied d’un château, jusqu’à ce que sa patience fut récompensée : « dans le silence nocturne, la voix de Richard entama le second couplet, sitôt Blondel eut terminé le premier. »

Les chansons de gestes se répandirent également à l’est, dans ces pays que nous appelons aujourd’hui la Hollande, l’Allemagne, la Suisse et l’Autriche; et où, en ces temps-là, on commençait à écrire en langue germanique.
Si les chevalier-musiciens portaient, en France, le nom de troubadours ou trouvères, de ménestrel en Angleterre, « trovador » en Espagne, en Allemagne on les appelait « Minnesaenger » (chantres de l’Amour), d’après le thème principal de leurs chansons.

Ces Minnesaenger traitaient pour la première fois des vieilles légendes qui devinrent ainsi du coup le nouveau patrimoine d’un peuple en quête d’identité : le chant de Nibelung, qui appartient, avec l’« Edda » nordique et le « Cid » espagnol, aux plus anciens ouvrages de la littérature européenne ; le « Dit » de Tristan et Isolde, de « Parsifal », et du Saint-Graal, thèmes qui reviendront souvent et qui nous occuperont plus particulièrement quand viendra le temps d’aborder l’œuvre de Richard Wagner.

Remarquons ici que Wagner introduira dans son « Tannhäuser » une fête traditionnelle de l’époque de ménestrels : le concours des chanteurs. Le compositeur imaginera de réunir dans le château, la Wartbourg les minnesaenger les plus célèbres, dont : Biterolf, Tannhäuser lui-même, Wolfram von Eschenbach et Walter von der Vogelweide. Cet évènement n’est pas historique en soi, bien qu’une peinture murale de la Wartbourg représente effectivement une scène analogue, datée du 7 juillet 1207.

L’action de l’opéra de Wagner est basée sur un poème du XIIIème siècle, et celui-ci est reproduit dans le plus beau et le plus renommé de tous les chansonniers de l’époque, le « manuscrit de Manesse ».

Par ailleurs, l’opéra suit la légende de Tannhäuser ; en réalité, la vie de ce chanteur fut, on s’en doute, infiniment moins romanesque. Bien que Wagner ne reconstitue pas les événements historiques avec fidélité, son Tannhäuser n’en offre pas moins une image vivante pittoresque du temps de la chevalerie et des chansons de geste.

Cette époque haute en couleurs aura une fin, comme toutes les autres. Les châteaux fort tomberons lentement en décrépitude, leur significat5ion politique ira en diminuant. L’Europe se peuple. L’histoire suit son cours…

Adam de la Halle, surnommé « le dernier des troubadours », meurt en 1287. On lui doit un curieux spectacle musical : Le « Jeux de Robin et Marion », précurseur lointain de l’opéra.



L’anée1305 voit mourir le dernier roi-ménestrel, Wenceslas II de Bohème, dont quelques lieds nous sont parvenus, témoins et précurseurs d’une vie musicale intense sur les rives du Danube.

Avec l’art des troubadours et des ménestrels, nous avons approché de la première brèche pratiquée par l’art populaire dans la musique sérieuse – réaction inconsciente contre le chant grégorien et naissance de la musique européenne. La voie s’ouvre, longue et sinueuse,  vers l’âge d’or du classicisme et du romantisme.




À SUIVRE :

RENAISSANCE  (1400 à 1600)
BAROQUE (1600 à 1750)
ROCOCO (1700 à 1775)

lundi 17 janvier 2011

ANTIQUITÉ (- 3 000 à 0)



La musique est, avec la danse l’ancêtre de tous les "arts", si toutefois on admet que l’homme primitif n’a pas pu se former une conception bien claire de « l’art » à proprement dit… Malgré son ancienneté, l’histoire de la musique est, de toutes, la plus récente et la plus brève. Nous possédons des monuments de granit et de marbre, témoignages des civilisations perdues ; des poèmes, des légendes et des philosophies datant de milliers d’années; nous permettant de nous forger une image des époques les plus lointaines… Par contre, dès qu’il s’agit de la musique, nous ne disposons d’aucune preuve…


Des civilisations disparues, aucun écho musical ne nous est parvenu ; les premiers manuscrits que nous parvenons à déchiffrer irrécusablement et rendre à la vie grâce à leur transcription en notation moderne sont tous d’une date relativement récente. Tout le reste s’est perdu dans la nuit des temps.

Il m’est arrivé de lire dans un ouvrage scientifique, une comparaison ingénieuse. L’auteur y déclarait : "supposons un instant que la terre n’ait existé qu’une année, soit du premier janvier au dernier jour de décembre; si nous voulions situer l’arriver de l’homme sur terre en la dimension de cette année là, nous devrions, toutes proportions gardées, placer cet événement au 31 décembre, vers dix huit heures."
Mais ce n’est pas non plus avec la naissance du chef-d’œuvre de la création que les temps historiques débutent. Avant que l’humanité n’apparaisse en cette journée, de longues heures devront s’écouler… Enfin, c’est seulement à minuit moins cinq que l’histoire de l’humanité commence! 

Étendons cette comparaison à l’étude de la musique, afin de vous faire comprendre son incroyable brièveté; l’histoire de la musique débute donc quinze seconde avant minuit du dernier jour, de la dernière heure de cette unique et longue journée…

Comment devons-nous juger de ce fait? Devons-nous l’estimer insignifiant, ou au contraire nous enorgueillir de ces 15 secondes de jubilation et de beauté!

Si nous savons si peu de chose de la musique de l’Antiquité, c’est que le principal nous fait défaut : la musique elle-même. 

On nous en parle dans les vieux livres savants qui traitent de religions, de philosophie, de mathématiques, d’astronomie, de folklore et où la musique occupe une place prépondérante.

Les vieilles épopées, les légendes, les contes de fées de quantité de peuples en font mention. La Bible, les Sages de la Chine, les traditions hindoues contiennent de nombreuses allusions à la musique, à sa beauté, son éloquence, son essence divine, son pouvoir, sa magie !

Comment sonnait-elle cette musique? Voilà ce que personne ne sait!
Le temps qui s’est écoulé depuis nous en sépare…
Seuls les témoins de pierre peuvent nous aider à nous en approcher : monuments de pierre, monolithes, statues, bas-reliefs, plats en terre, urnes, coupe d’albâtre. Ces pierres reproduisent souvent des instruments, voire des orchestres entiers. Ces instruments, on s’est évertué à les mesurer ; on a compté les cordes des lyres et des harpes ; estimé le diamètre des embouchures des ancêtres de nos flûtes, hautbois et trompettes ; on a étudié aussi l’effet des instruments à percussion. Par-ci, par là, des fragments de quelques-uns de ces instruments ont été retrouvés dans de très anciens tombeaux des villes englouties de l’antiquité.

Nous pouvons les reconstituer, les comparer au nôtre, mais comment sonnaient-ils exactement? À quoi servait-elle cette musique du fond des âges? À distraire les auditeurs, à leur procurer des joies et des émotions? À servir un idéal ou un but matériel? À l’évocation? À la prière, à la magie, à l’invocation?

Nous ne sommes que trop tentés d’établir, à la suite des traditions poétiques, une reconstitution assez proche de notre art musical contemporain. Mais qui nous dira si ces prêtres et officiants chantaient comme les nôtres? En des édifices religieux? Le roi vainqueur était-il honoré à l'aide de fanfares orchestrales gigantesques (tel que nous le voyons décrit sur certains hauts-reliefs assyriens?).

Les esclaves de l’ancien Égypte accompagnaient-ils de chants la construction des pyramides, afin d’alléger le labeur épuisant que cela nécessitait? Comme de nos jours, il n,y a pas si longtemps, quand les haleurs de la Volga soutenaient en chantant la cadence de leur pas, ou comme dans les Caraïbes où plusieurs peuplades travaillent en se donnant du courage en chantant ou en rythmant leurs besognes.

La musique qui devait égayer les sombres palais, rythmer les danses, animer les banquets; cette musique servait-elle aux même fins que la musique de nos jours?

Les musicologues du xxème siècle se sont efforcés à tout reconstruire. La reconstitution du passé nous apprend que nous savions chanter et chantions de toujours. Du plus loin que l'on puisse remonter dans l’histoire de la musique, nous savons que dès le début on chantait. À une voix, ou en chœur, avec ou sans accompagnement d’instruments. On chantait de la musique sacrée et profane.

Quant aux vieilles théorie musicale, nous avons certes des points de repère intéressants. Un savant chinois appelé Lyng Lun, a déterminé et coordonné, vers 2 500 ans av. J.C., les cinq notes de la musique orientale. Il a composé un système pentatonique et attribua aux notes des noms étranges, car chacune d’elles reçut le nom d’une classe sociale ! de l’empereur au paysan!

Cinq notes direz-vous! Au lieu des douze dont se compose notre système actuel?!

Nous retrouvons ce système pentatonique, ainsi nommé d’après la langue grecque (penta = cinq) dans toutes les parties du monde, en Chine, au Japon, dans les Amériques, au Groenland et un peu partout en Europe… Ces cinq notes demeurent la caractéristique de l’Orient. Pour les Pays du Levant, quatre millénaires et demi, est-ce si peu?

Que de transformations les systèmes en Occident n’ont-il pas subies! Cette musique pentatonique a-t-elle été le début ou la prolongation d’un ancien système tritonal que nous trouvons encore actuellement chez certaines peuplades de l’Afrique ou des Amériques qui ont conservés de leurs traditions primitives?

Comment, de cette nuit s’est lentement dégagée la chaîne tonale, telle que nous la connaissons aujourd’hui? Les notes se sont-elles amplifiées, passant de trois à quatre, puis à cinq et enfin, via l’Hellénisme (en Grèce) passa de six à sept notes afin de constituer enfin la gamme à sept notes…

Au moyen-âge, le système d’élévation et l’abaissement des sons progressifs, destiné à en augmenter sensiblement le nombre, a finalement été réduit - par ce que nous appelons "le tempérament" - à douze notes.

Mais les Hindous, les Arabes et sans doute les Chinois ont connu d’autres systèmes, assez complexes, utilisant le quart de ton et peut-être encore le tiers de ton….

Cela dit, le développement de la gamme, l’expansion du nombre de ces notes, les innovations du côté de l’éventail des sons n’ont pas toujours été constant et peut-être cela relève t-il des divers chemins tortueux que prend l’histoire de l’humanité!

Aussi, pour faire suite à nos questionnements au sujet de l’harmonie ; il serait un peu stupide de croire que la polyphonie, (c’est à dire la musique qui comporte de plusieurs voix jouées ou chantées en même temps), n’ait été inventée qu’au moyen-âge, de sorte que durant tous ces millénaires de hautes civilisations qui le précédait, on n’aurait connu d’autres mélodies que celles chantées en monodie ou à l’unisson.

À quoi servait alors ces grands orchestres des cours royales de Ninive, de Suse, de Babylone? À quoi rime ce formidable ensemble d’instruments à vent du Temple de Jérusalem? Et ces tragédies grecques, qui ont servi d’exemple à tout notre art théâtral, avec leur sagesse profonde, leur alliage parfait de tous les arts, ces tragédies encadrées de musique, faut-il admettre qu’accompagnées de chants, l’harmonie en eût été absente? Comment oserions-nous certifier que d’autres époques furent plus pauvres que la nôtre, au point de vue musical, alors qu’en bien d’autres points elles les égalaient, quand elles ne le dépassaient pas! Pour tout dire… Qui nous garantira que durant les nombreux siècles écoulés, entre la grandeur de la Grèce et la polyphonie du moyen-âge on n’ait pas éliminé des textes anciens, quelques artefacts, démontrant l’art des harmonies…


LA MUSIQUE DANS L’ORIENT DE L’ANTIQUITÉ
De la Chine, nous l’avons dit, nous vient le premier grand théoricien de la musique, Lyng Lun (Ling Lun), qui sculpta les premières flûtes de bambou et façonna les première cloches, donna les noms suivant aux cinq notes de son système musical : Kong = l’empereur ; Chang = le ministre ; Kyo = le bourgeois ; Tchi = le fonctionnaire ; Yu = le paysan, prouvant sans doute par là que la musique était enraciné dans la vie publique comme dans les hautes sphères impériales… 

Dans l’enseignement de Confucius, une place émérite a été accordée à la musique comme moyen pédagogique et moral. Le sage oriental lui attribuait une grande vertu civilisatrice. 
Confucius ne se borna pas à réunir de vieilles mélodies, il en composa aussi quelques unes. L’hymne ancien de l’Empereur du Milieu, le « Chant de la Portée des Nuages », se rapporte à la figure légendaire de l’empereur jaune qui doit avoir régné environ 2 700 ans avant J.C.

Nous trouverons également des preuves de culture musicale aux Indes. Le livre sacré du "Sama-Veda" nous enseigne que d’après la légende antique Hindou, le dieu Brahma lui-même aurait donné à son peuple la "vina" qui, variée à l’infini, demeure l’instrument favori des Hindous, pour qui la musique est aussi importante que la "grande harmonie planétaire" et, par conséquent, l’égale de la religion.

Le plus ancien instrument connu nous vient cependant de l’île de Ceylan. Un roi légendaire "Ravana", l’inventa, il y a de cela environ 7 000 ans, et lui donna le nom de "Ravanastron". C’est l’ancêtre de tous nos instruments à cordes! Celui-ci n’en comptait que deux et l’exécution des sons qu’on en tirait, se faisait grâce à un archet en forme d’arc.

LA MUSIQUE CHEZ LES MÉSOPOTAMIENS DE L’ANTIQUITÉ
De nombreuse sculptures assyriennes, babyloniennes et persanes représentent des scènes où l’on remarque des chanteurs ou des instrumentistes. La culture musicale de l’empire sumérien, englouti en des temps reculés, semble avoir été d’un niveau très élevé. Dans les fouilles récentes de la l’ancienne capitale de l’antique Babylone, à Ur près du golfe Persique, on a retrouvé une lyre merveilleusement sculptée, qu’on estime vieille d’environs 5 000 ans!

LA MUSIQUE CHEZ LES ÉGYPTIENS DE L’ANTIQUITÉ
Sans aucun doute, les Égyptiens de l’Antiquité furent des musiciens accomplis, connaissant une vie musicale presque semblable à la nôtre ; musique religieuse tant que profane, chansons de métiers, musique de danse… Les tombes égyptiennes contiennent souvent des reproductions d’instruments de musique qui nous révèle sans conteste que ce peuple possédait des instruments à vent, à percussion et à cordes, depuis le début même de l’essor de cette grande civilisation.

Vers 2 500 av J.C. la vie musicale semble bien présente aussi en Égypte où l’on retrouve l’art du chant (solo vocal avec instruments), ballets, cérémonies funèbres; utilisant des gammes aux larges intervalles, ainsi que la pratique du chant antiphonal et responsorial.
Sous le Moyen Empire, les Égyptiens possèdent sistres, trompes et trompettes, flûtes simples ou doubles, harpes cintrés, lyres, tambourins, et autres types de percussions… La Basse Époque a connu l’utilisation des clochettes, cymbales, aulos, xylos, et on y retrouve l’orgue hydraulique! Très certainement, plusieurs percussions proviennent de l’Afrique noire, comme sans doute tambours, tamtam, et xylos (xylophone, marimba…)

À LA RECHERCHE DE LA MUSIQUE DES PHARAONS
L'absence de documents ne nous permet pas de connaître le répertoire musical de l'Égypte pharaonique. Toutefois, la plupart des travaux publiés tendent vers une même hypothèse : il existe des liens étroits entre les hymnes et les psaumes de l'Église copte et la musique de l'Égypte ancienne.

Lorsque le Christianisme s'est implanté dans la Vallée du Nil, le culte était encore pratiqué avec une certaine liberté, favorisant les influences locales. Il n'est donc pas impossible que les premières communautés chrétiennes aient repris les mélodies des temples païens en modifiant le texte qui les accompagnaient.

Quelques caractéristiques communes ont d'ailleurs été décelées. Ainsi, la musique de l'époque pharaonique comme celle de l'Église copte se sont transmises oralement. On note également aux deux époques un certain goût pour les chanteurs professionnels aveugles.

Le fameux hymne "Kyrie Eleison" pourrait trouver son origine dans une prière au dieu solaire Aton, non seulement au niveau du texte mais aussi dans sa partie musicale.


De plus, alors que les « mélismes » (plusieurs tons chantés sur une même syllabe) utilisés dans les chants orientaux, ont un caractère purement ornemental que l'on trouve également dans la musique liturgique copte, celle-ci est la seule à produire de longues vocalises chantées, faisant partie intégrante de la mélodie, dans les mêmes temps que les parties syllabiques. Ce type musical serait peut-être un vestige de la musique savante chantée dans les temples pharaoniques.

En effet, on remarque parfois dans ces mélismes certaines anomalies (un manque de syllabes chantées ou des phrases musicales ne correspondant pas au début ou à la fin des phrases écrites) qui donnent l'impression que la musique existait avant les paroles.

Cette hypothèse est renforcée par ce que disent les Anciens. Démétrius de Phalère, chef de la bibliothèque d'Alexandrie sous Ptolémée II Philadelphe, mentionne que "les prêtres chantaient à leurs dieux des hymnes à sept voyelles, ce qui produisait des sons mélodieux accompagnés d'une flûte ou à la harpe". Les écrits gnostiques d'Égypte, quant à eux, utilisent l'expression "chant des voyelles".

Pour corroborer cette théorie, Hickman donne à un signe hiéroglyphique signifiant "répéter X fois" une interprétation musicale, "une sorte de répétition rythmée d'une interjection syllabique".

Enfin, les instruments d'usage courant en Égypte pharaonique (la harpe d'abord, puis les cymbales, le tambour, la flûte et même le sistre), furent également utilisés au cours des premières cérémonies chrétiennes, assurant une certaine continuité entre la musique antique et celle de la liturgie copte.

Par contre, nous savons peu de choses des influences subies par la musique copte au fil des siècles. Cependant, la minorité chrétienne d'Égypte dut se protéger des influences islamiques, surtout dans le domaine du culte, ce qui laisse supposer que la musique liturgique a conservé une bonne part de son authenticité.

Parallèlement à une étude des chants liturgiques coptes, la musicologue hongroise Ilona Borsa s'est intéressée à la musique vivante de l'Égypte actuelle. Elle mena son enquête dans les campagnes afin d'y retrouver des vestiges de l'ancienne musique populaire. Selon elle, certaines coutumes ainsi que les musiques et les chants qui y sont attachés, semblent être restées pratiquement inchangées jusqu'à ce jour.

En effet, après la conquête de l'Égypte, la majorité des Arabes préférèrent se fixer dans les villes ou poursuivre leur vie de nomades. Ainsi, même s'ils se sont convertis à l'Islam, les fellahs ont pu conserver une partie de leurs habitudes ancestrales, surtout en Haute Égypte. Certes, leur langue a changé mais, comme pour la musique religieuse des premiers temps du Christianisme, les paroles des chansons ont très bien pu s'adapter à une mélodie existante.
Les chants, présents dans la vie quotidienne, donnent du cœur à l'ouvrage, chassent l'ennui et aident à coordonner les tâches effectuées en groupe.

Ils ponctuent chaque étape importante de la vie :

la naissance et les chants de la cérémonie de la Sibua qui a lieu le septième jour après l'arrivée de l'enfant.
la circoncision, pratiquée en Égypte depuis l'Antiquité, accompagnée de chants avant, pendant et après l'opération
la lamentation, plainte mélodieuse sur un mort, qui n'est pas sans évoquer les scènes des pleureuses retrouvées dans les tombes thébaines et mentionnées chez Hérodote et Diodore de Sicile.

Tout comme c'est le cas pour l'étude de la transcription musicale, un long chemin reste encore à faire si l'on veut découvrir un jour les rythmes et les mélodies de l'époque pharaonique. Mais des pistes sont ouvertes…


LA MUSIQUE CHEZ LES ARABES ET LES HÉBREUX DE L’ANTIQUITÉ
De l’Arabie nous viennent de très anciens instruments à cordes. Entre autre, le « kemantché », semblable au « ravanastron », et qui est constitué d’une noix de coco dévidée, formant la caisse de résonance, le plus souvent munie d’une seule corde, jouée à l’aide d’un archet étant en fait un arc tendue. Il est possible que le « Rabab » des Maures est né du kémantché et du ravanastron.. Les Maures introduisirent ensuite, le rabab en Espagne, en l’an 711 de notre ère, après lui avoir fait subir quelques modifications. Les Espagnols eux-même apportèrent des modifications au rabab et lui donnèrent le nom de « viela ». Allait évidemment en découler la viole, et la famille des violons…

Mentionnons, encore, ce peuple asiatique chez qui fleurissait la passion de la musique : les Hébreux. Ce peuple peu enclin à la sculpture ou à la peinture (la représentation plastique de la Divinité lui étant interdite par la loi de Moïse), concentra toute sa force expressive dans l’art de la poésie et de la musique.

Le chant et la musique furent en grand honneur chez les Juifs de tout temps, comme l’atteste les Livres Saints, qui sont ici les seul documents historiques à cet effet. L’histoire des Israélites fait mention de nombreux évènements musicaux….

Tubal invente les instruments sonores, Moïse chante le passage de la Mer Rouge… Jéricho tombe au son des trompettes.. Sous les Juges, Samuel fonde une école de prophètes et de musiciens…

Le roi David à son tour, organise un chœur de 4000 musiciens et chanteurs et il compose d’admirables psaumes ou cantiques, qu’il chante lui-même en s’accompagnant du psaltérion ou de la cithare…

Deux de ses rois sont devenus le symbole de cette race éprise de musique : David, toujours représenté harpe à la main, et Salomon son successeur, si réputé dans tout l’Orient pour ses connaissances artistiques que des visiteurs, parmi lesquels la Reine de Saba, venait de très loin pour entendre ses œuvres.

Le schisme et la captivité du peuple hébreu amène la décadence du culte, mais au contact des peuples étrangers la musique s’enrichit d’instruments nouveaux et d’une technique plus savante, sans arriver encore toutefois à l’harmonie…

Peu avant la destruction de Jérusalem par Titus, assure l’historien Josèphe, il y avait au service du temple, pas moins de 200 000 chanteurs avec 40 000 harpes autant de sistres et 200 000 trompettes !

Comme pour les autres peuples, la musique hébraïque servait à honorer la Divinité, à rehausser l’éclat des fêtes publiques, ou encore à exciter les passions guerrières.

LA MUSIQUE DE LA GRÈCE ANTIQUE
Les Grecs considèrent la musique comme un art éducateur propre à développer le goût de la vertu. Ils font remonter les origines de la musique à la nuit des temps. 

Selon eux, Apollon en fut l’inventeur, et Orphée, son fils, en fut le plus célèbre représentant. On dit que « rien, pas même les animaux, ne résistait aux sons harmonieux de sa lyre, que les dieux placèrent parmi les astres… Et encore, Amphion fut construit à Thèbes aux accents de sa lyre d’or : les pierres elles-mêmes lui obéissaient. »

Aux temps héroïques, Homère chante en s’accompagnant de la lyre, les exploits et les malheurs des Grecs. Ces chants réunis forment les deux immortelles épopées : l’Iliade et l’Odyssée, que les aèdes répandirent partout dans la Grèce, devenue bientôt le plus artistique des peuples de l’antiquité.

Les poèmes d’Homère mentionnent plusieurs sortes de chants : péan en l’honneur d’Apollon, chant de lamentations, d’hyménée, de vendanges, offrandes, mariages, etc… 

À l’époque d’Hésiode, les rhapsodie remplaçaient les aèdes et le chant cédait le pas à la déclamation.

Archiloque de Paros, quant à lui introduisit dans ses chansons, les vers de différentes mesures, et des notes d’ornementation qui en varient légèrement la mélodie. Deux instruments : l’aulos (longue flûte au son prolongé), et la cithare, jouissent d’une grande vogue. De véritables concerts à programme réunissait alors danseurs et musiciens virtuoses durant les fêtes publiques.

PYTHAGORE INVENTEUR DE LA GAMME DE 12 SONS
On attribue à Pythagore de Samos, qui vivait au VIème siècle avant J.C., la théorie des nombres et de l’acoustique. Partant du principe que le son est produit par l’air en vibration, il comprit que c’est la vitesse de cette vibration qui détermine le hauteur du son et que les consonances fondamentales dépendent de la division de la corde tendue. 
Le corde de la lyre fut aussi pour Pythagore, le point de départ d’une cosmogonie fondée sur le pouvoir des nombres.

POÉSIE ET MUSIQUE DE SCÈNE DANS LA GRÈCE ANTIQUE
La poésie lyrique représentée par Alcée, Sappho, Anacréon, Pindare surtout, donne naissance à une musicalité élégante basée sur des rythmes populaires. Toutes ces odes sont monodiques, c’est à dire, chantées par un seul musicien s’accompagnant lui-même.

Hymne à Némésis :

Dans la tragédie, sorte de dithyrambe dialogué, la musique occupe également une grande place. 

Eschyle n’utilise que le chœur ; Sophocle emploi de plus, les instruments et la danse ; Euripide enfin imagine un vrai drame musical avec monologues et dialogues chantés. (Aux origines de l’opéra!)

La tragédie utilise deux groupes musicaux : les chants orchestriques qui restent étrangers à l’action ; et, les cantilènes monodiques, dialogues, chœurs épisodiques, faisant partie du drame. Il y a donc des chœurs pour l’entrée, pour l’action dramatique, pour la sortie.

Ces chœurs amenèrent de grands progrès dans la musique vocale et instrumentale.


INNOVATIONS MUSICALES DES GRECS
Apparemment les Grecs ne connaissaient pas la musique à plusieurs voix de timbres différents. Le chant des femmes n’était admis ni au concert ni au théâtre. Dans les chœurs, on chante à l’unisson ou à l’octave, et les instruments ne font qu’appuyer les voix humaines. Le mouvement mélodique va de l’aigu au grave ou en échelle descendante.

La musique grecque admet trois modes qui correspondent à un caractère moral et qui se distinguent par le déplacement du point de départ et de la médiante : le mode « dorien » (grave et austère, commence à l’aigu par « mi »); le mode « ionique » (doux et langoureux, s’amorce sur le « ré »); et enfin, le mode « phrygien » (animé et bachique, débutant sur le « do »).

Nous n’avons de la musique grecque qu’un petit nombre de fragments. On sait toutefois que, plus variées que la nôtre, elle comprenait plusieurs gammes distinctes, qu’elle employait les intervalles de tiers et de quart de ton, mais qu’elle ignora l’harmonie ou l’accord de trois sons. On sait aussi qu’elle se servait, en notation musicale, des lettres de l’alphabet, droites, courbées ou renversées. D’autres signes indiquaient la durée des sons et des silences.


Plusieurs villes avait leur Odéon. Périclès en fit construire un près de l’Acropole. Ces amphithéâtres servaient pour les concours de musique, instrumentale ou de chant…

INSTRUMENTS DE MUSIQUE AU TEMPS DE LA GRÈCE ANTIQUE
À l’époque glorieuse de la Grèce antique on n’utilise guère que les instruments à cordes et à vent; les cors et les trompettes servent en temps de guerre, tandis que les instruments à percussions, tambours et cymbales ne trouvent leur emploi que dans les cultes introduits de l’Asie.


Parmi les principaux instruments de musique, il faut citer les suivants : la flûte, d’abord celle qui servait pour le chant ensuite celle qui donnait l’accompagnement; la syrinx ou flûte de Pan, à 7 tuyaux, emblème de la vie pastorale ; ensuite, la cithare, dont le nombre des cordes allaient de 6 à 40, la harpe, pratiquement telle que nous la connaissons aujourd’hui, ainsi que la harpe d’ivoire qui avait 7 cordes ; et enfin, la lyre d’accompagnement qui avait de 4 à 6 à 7 cordes d’abord et 8 cordes après les innovations de Pythagore.

Les plus célèbres flûtistes connus furent Antigénide, le percepteur d’Alcibiade, et le Thébain Timothée, qui eut un grand pouvoir sur Alexandre Le Grand. 
Théodoros trouva dans la fabrication des flûtes de quoi donner à son fils Socrate l’instruction qui en fit un grand philosophe!
Les philosophes et les sages avaient reconnu l’influence bénéfique de la musique et des éléments constitutifs, la poésie et la danse, sur la vie de l’âme. Platon dans sa « République », lui attribue le premier rang dans l’éducation des enfants et le perfectionnement du peuple. Aussi figurait-elle dans toutes les fêtes religieuses.


DÉCADENCE DES ARTS DANS LA GRÈCE ANTIQUE
Au IVème siècle, le mouvement musical et les sciences des Muses prennent moins d’importance dans la société, malgré le grand nombre d’artistes et de musiciens, il y aura de malheureuses fermetures de certains conservatoire formant des chanteurs et musiciens, et les arts ne figureront plus pour être un domaine nécessaire à la vie et à la bonne santé de l’âme.

La décadence bientôt commence et s’accentue malgré les efforts d’Alexandre Le Grand pour la stopper, comme le constate avec amertume Aristoxène de Tarente, disciple d’Aristote et le plus savant théoricien de la musique ancienne.

Pour le bon divertissement du peuple, le mime viendra remplacer la comédie et se permettra toutes les licences. 

Des villes grecques, qui sont encore des centres artistiques comme Syracuse et surtout Alexandrie, voient converger les genres de musique les plus divers. 

En 167 avant J.C., des musiciens grecs se font entendre pour la première fois à Rome, et si Rome n’est pas encore initié à toutes les subtilités des arts, les arts et la musique eux ne tarderons pas à s’y acclimater.

MUSIQUE DE LA ROME ANTIQUE
Les anciens Romains sont trop préoccupés et adonnés à la guerre pour avoir le goût ou la passion des arts. 

En musique, ils sont habituellement tributaires des étrangers, d’abord, puis des Grecs surtout, dont ils adoptent les instruments de musique auxquels ils ajoutent le « tibia », sorte d’aulos, ou flûte à deux tuyaux. Ils s’en servent aux jeu du cirque et du théâtre, et même dans les temples. Sous l’Empire, les théâtres se remplissaient pour venir entendre les chanteurs et instrumentistes…

À l’époque de Cicéron les choses commencent un peu à changer et les mœurs évoluent… Cicéron parle souvent des règles et des exigences de la musique, le peuple s’accoutume à juger les artistes, la virtuosité se développe chez les musiciens professionnels et les amateurs. 

Les familles nobles elles-mêmes s’adonnent de plus en plus à la pratique de la musique et cultivent l’art du chant avec passion. Les romains ne dédaignent pas la musique de scène, et il va de soi que les gens de bon goût se rendent aux concerts.

Auguste accorde ses faveurs au chanteur et poète Tigellius. Vesparien quant à lui traite avec libéralité les citharèdes Diodorus et Terpnus, ce dernier ayant été le maître de chant de Néron!

On sait que Néron composait des vers et concourait avec les artistes. Il donna au citharède Ménécrate un palais avec de vastes terres.

On doit aux romains un instrument nouveau, destiné à une grande fortune : l’orgue hydraulique. Ktésébios d’Alexandrie, un mathématicien de 3ème siècl avant J.C. en serait l’inventeur. 200 ans plus tard, son compatriote Héron, en fait la description, comme Vitruve le fera encore 100 ans plus après lui. L’orgue pneumatique ou à soufflets date seulement du temps d’Auguste.

Vers la fin de l’Empire, les musiciens retournent aux genres et aux procédés de l’ancienne musique classique, qui cessera d’être un art indépendant.

Proclus et Nicomaque la rattachent aux sciences, à l’arithmétique en particulier. Mais au temps de Platon, d’Aristote et de Plotin, on lui conserve son but moral et même religieux.

La décadence de l’Empire Romain suivie de l’invasion des Barbares, amena la déchéance de tous les arts… La musique et les arts trouvent refuge dans l’Église naissante, qui, après trois siècles de persécution, pouvait enfin donner grand éclat à son culte extérieur…

À Suivre dans les sections :

- MUSIQUES DE L’ÈRE CHRÉTIENNE PRIMITIVE (0 à 600)
- PRÉ-RENAISSANCE (600-1400)
- MUSIQUES DE L’ASIE